Zoom (5)..Conflit au Mali et tiraillements sur l'Etat .. qui criera le premier?

Zoom (5)..Conflit au Mali et tiraillements sur l'Etat .. qui criera le premier?

La République sœur du Mali vit depuis près d’une décennie, dans des conditions tumultueuses à différents niveaux politique, sécuritaire et social. Ce qui a fait de cet Etat au fil du temps le foyer des tensions régionales et internationales dans la région et suscité des tiraillements extérieurs tout autour de lui.

L'évolution de la situation à Bamako au cours des dernières heures et des derniers jours a attiré l'attention de la région et du monde, en raison des niveaux d'escalade entre les deux côtés hostiles sur le terrain et ceux qui les soutiennent : le conseil de la transition militaire au pouvoir et son puissant Chef Assimi Goïta ainsi que la Russie, qui revient en force afin d’étendre davantage son influence à travers le monde, et les dirigeants de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)  et leurs partisans, ainsi que la France, qui défend farouchement son repaire en Afrique de l'Ouest.

Qu’est-ce qui se passe au Mali et où va ce pays ? Quelle position devra observer la Mauritanie, qui a la plus longue frontière avec le Mali et l'un des Etats voisins qui n'est pas membre de la CEDEAO ?

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 Au Mali et tout autour de cet Etat..

La crise qui sévit dans la République sœur du Mali est très complexe. Il s’agit :

- d’une crise de gouvernance. Le pays riche en or et en minerais et pionnier historique dans la réalisation de la transition démocratique dans le continent africain est tombé entre les mains de groupes de la corruption et de la criminalité transfrontalière, qui ont paralysé son système de gouvernance et l'ont fait vaciller entre le marteau des groupes extrémistes et l’enclume des forces étrangères de divers horizons et d’adresses multiples,

 

- une crise de gestion de diversité où le Nord, avec une majorité touarègue et arabe, souffre d'une marginalisation depuis l'époque des indépendances, faisant de cette partie du Mali, un foyer de rébellions dont les flammes ne s’éteignent que pour reprendre de plus belle. Une situation qui s'est propagée au cours de ces dernières années au centre du pays, caractérisé par la suprématie démographique des peuls,

- une crise de lutte d'influence entre les puissances internationales, attirées par sa richesse, sa position, son histoire et sa fragilité, au point que chacune d’elles essaie de mettre la main sur le pays, d’y installer des acquis ou de récolter des fruits mûrs.

Ce conflit qui s'est manifesté sur plusieurs fronts et dont les démons se sont entremêlés  à plusieurs articulations, dont la France et la Russie représentent aujourd’hui les deux affiches étriquées : une France éclopée par l'ébranlement de ce qu'elle croyait comme étant son éternelle et intouchable profondeur stratégique et la Russie, dont les salives coulent à flot, en voyant l’opportunité d’or,  de restaurer ses gloires tsaristes dans un continent ayant une longue histoire de liaison avec Moscou à l'époque de l’émancipation, des rêves révolutionnaires, de la multipolarité et du non-alignement !

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Guerre à distance zéro.

 

Les prémices d'affrontement entre les deux parties ne font l’objet d’aucun doute depuis des mois. Le conseil de la transition militaire au pouvoir ne s’est pas seulement contenté d’importer des armes de Moscou, mais aussi des hommes. Des milliers d’hommes de la société de sécurité privée Wagner sont arrivés à Bamako, affirment des médias, faisant de cette première le bras extérieur de l'armée russe. De l’autre côté de la confrontation, la France continue de démanteler ses bases et sa présence militaire, dans une atmosphère de colère, pensant que cette mauvaise humeur pourra peut-être dissuader l'armée malienne de tomber dans les bras russes, mais ce courroux est resté infructueux, faisant plutôt découvrir la rupture du cordon d'amitié entre Paris et Bamako.

 

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Décisions sévères de la CEDEAO ..

 

Décidées à la fin de la semaine…le degré de trahison de la réponse enthousiaste du Conseil de transition militaire à ces mesures sévères est en fait circonscrit à la convergence d'intérêts entre deux parties ou entre deux camps, dont chacun est formé également de deux ailes.

 

- La France et la CEDEAO, où les Africains veulent donner aux putschistes une leçon qui dissuade ceux qui pensent à leur façon dans les Etats non encore contaminés par la culture putschiste et dont la plupart souffrent de troubles, alors que la France veut donner une leçon avec la même cruauté à certains de leurs dirigeants, paradoxalement aux signataires du communiqué des sanctions, et peut-être a penser ou craint de penser à cautionner l’élan de révolte contre le colonialisme français,  ses dépendances et ses conséquences.

 

Dans le second camp, s’assoie en position de règne et de refus : « une génération de Chefs d'armées africaines impatients d’aller à une retraite qui n'interviendra que par la mort de Généraux qui ne se sont pas contentés uniquement de s'approprier sans partage le pouvoir, mais de s'accaparer aussi de l’argent, des richesses et du prestige.

 

Ces "jeunes officiers" ont trouvé auprès de Moscou, cette capitale fière de ses victoires remportées durant les années de l’ambitieux Poutine, le moyen de ressusciter le tsarisme, une opportunité de sortir du manteau occidental, de jouir du pouvoir, et pourquoi pas d’apparaître comme des révolutionnaires œuvrant à faire renaître l'héritage de Thomas Sankara.

 

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Qui criera le premier ?!

 

Le plafond élevé de l'escalade entre les deux parties et la douleur qui leur est infligée, fait du temps et du niveau de patience des déterminants essentiels de l'avenir du conflit. Alors, qui criera le premier ?

Le discours de Goïta, qui est intervenu quelques heures après le communiqué virulent du Conseil de la transition militaire annonçant la fermeture des frontières et le retrait des ambassadeurs, peut être considéré comme un indicateur du début de la descente de l'arbre des dirigeants de Bamako.

L’homme a annoncé de nouveau sa disposition au dialogue avec la CEDEAO, quoiqu’il ait qualifié de nouveau les sanctions d’"illégales et illégitimes" appelant ses compatriotes au calme et à la "résilience".  après que l'organisation régionale ait infligé des sanctions à son pays.

 Evidemment, il n'y a pas que les dirigeants de Bamako qui sont sous pression. Autant le Mali est touché par les sanctions, autant d'autres Etats qui dépendaient de Bamako pour leurs exportations ou pour la mobilité économique liée au passage des importations maliennes venant de leurs terres seront également affectés. La scène montrant des centaines de camions sénégalais protester contre la fermeture des frontières et les dommages subis illustre à bien des égards cet état de fait et les impacts consécutifs de cette escalade sur le secteur des transports et des services.

 

Ce qui renforce la pression sur les Etats auteurs de l’embargo sur Bamako, c'est également la présence de pays qui ne sont pas appelés pour diverses raisons à s’impliquer dans ces décisions de la CEDEAO dont en tête la Guinée Conakry, dont le conseil militaire, menacé par des mesures similaires, a décidé de laisser ses frontières ouvertes avec Bamako, motivant cette option par les exigences d'appartenance à la communauté africaine.

 

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Où se positionne la Mauritanie ?!

 

Les parties au conflit à l’intérieur du Mali et celles qui tiraillent ce pays, sont conscientes de l'importance de la position mauritanienne, non seulement en prenant en considération les longues et vitales frontières et l’existence d'un port à Nouakchott capable de remplacer ceux de Dakar et d'Abidjan, mais aussi en raison de facteurs plus complexes dans lesquels les questions politiques, sociales et sécuritaires se chevauchent. C’est ce qui a conduit la CEDEAO à avoir des contacts précoces avec Nouakchott afin de l’informer de manière détaillée sur les décisions prises.

Il se dégage de la lecture des informations à ce sujet publiés par les médias et des échanges téléphoniques entre les Présidents ghanéen et mauritanien, que Nouakchott se positionne à distance égale des deux parties du conflit, partageant d’une part avec l’organisation les craintes du comeback des coups d'État et ses relation intimes avec Paris et d’autre part, ressent les dangers de pousser la situation au Mali vers le chaos, puisque cela représente en fait une menace directe pour la sécurité stratégique et la stabilité sociale en Mauritanie.

 

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Le plausible.

 

Il reste probable, à notre avis, que les choses conduiront vraisemblablement à des ententes, où soit la Mauritanie soit l'Algérie pourraient être une partie clé dans leur arrangement, en vertu desquelles, la porte est ouverte à un dialogue plus sérieux qui conduira à réduire la période de transition et à limiter la présence russe et à assurer une couverture à la présence française en Afrique de l'Ouest en échange d’une légitimité accordée au Conseil militaire et de l’annulation immédiate ou reportée des  sanctions.

 

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Version arabe 

jeu, 13/01/2022 - 23:51

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