Le deuxième président de la République du Sénégal est né le 7 septembre 1935 à Louga avant d’entamer ses études de droit à l’université de Dakar et de les poursuivre à Paris. Il deviendra le directeur de cabinet du président Senghor en 1963, puis il prendra les fonctions de secrétaire général de la présidence en 1964, ensuite il sera ministre du plan et de l’industrie de 1968 à 1970 avant d’être nommé Premier ministre en 1970. À la suite de la démission du président Senghor le 1er janvier 1981, il deviendra le deuxième président de la République du Sénégal avant de gagner les élections de 1983, 1988 et 1993. Il perdra les élections de 2000 et sa première mission après sa défaite sera de représenter le président Wade à un sommet (Présidence).
L’un des premiers actes posés par le président Diouf le 24 avril 1981 fut l’abolition du quadripartisme dans le but de démocratiser la sphère politique. Cela résulta de la modification de l’article 3 : « Les partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils sont tenus de respecter la Constitution ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Il leur est interdit de s ‘identifier à une race, à une ethnie, à un sexe, à une religion, à une secte, à une langue, à une région ».
L’avènement du multipartisme résulta de la création d’une dizaine de mouvements politiques. Cette ouverture démocratique fut la fondation du magistère du président Diouf. Si la plupart des observateurs jugèrent la transparence dans le scrutin de 1983, le président Wade dira lui « que ce ne sont pas des élections et qu’elles ne méritent même pas le nom d’élection ».
Ce qu’il fallait se rappeler est la démission de Mamadou Fall Puritain avec sept autres députés du PDS leur faisant perdre leur groupe parlementaire vu que leur nombre de députés fut inférieur à dix députés qui fut le nombre requis pour un groupe parlementaire. S’en suivirent la perquisition faite chez Mamadou Fall et la découverte d’un journal détaillant l’emploi du temps des militants du PDS dans les camps Libyens ; le président Wade s’exila en France et plus tard avoua que les voyages en Libye ont bien eu lieu mais que c’était pour former des gardes du corps car il sentait que sa vie était menacée.
Cela fut suivi par le vote de la loi contre l’enrichissement illicite même si le président Diouf reconnut que ce ne fut pas un succès durant son entretien avec Philippe Sainteny : « Je voulais moraliser et je voulais plus de justice, plus de solidarité, plus d’équité. Il y avait des choses qui me choquaient, auxquelles je voulais mettre fin … j’ai créé le tribunal d’enrichissement illicite. Ça a été un échec, je le dis tout de suite. Je n ‘ai pas été suivi « .
Pendant que le président Diouf construisait notre démocratie et la transparence dans la gestion des deniers publics, la banque mondiale et le FMI demandèrent des mesures draconiennes face à cette mauvaise situation économique que le président Diouf hérita du président Senghor. Ils recommandèrent pour ne pas dire exigèrent la diminution de l’effectif de la fonction publique ainsi que l’augmentation des prix des denrées de première nécessité et l’arrêt de la subvention de l’arachide durant cette période avec la chute du cours de l’arachide.
Le président Diouf fut obligé de respecter les recommandations du FMI et de la banque mondiale et cela fut expliqué par le président durant son entretien avec Philippe Sainteny “Quand on était dans une crise grave… je donne l’exemple de l’ajustement. La banque mondiale me disait : « le prix du riz est trop bas, le prix du sucre est trop bas, vous subventionnez, ce n’est pas normal, il faut faire la vérité des prix ». J’étais obligé de le faire, sinon je n’avais pas les crédits dont j’avais besoin pour faire fonctionner mon Etat, pour financer mes projets.
A ce moment-là, d’une façon très subtile, très confidentielle, très secrète, je parlais avec mon principal opposant (président Wade). Dans un jeu de rôles, il venait, il me disait qu’il comprenait ma position, qu’il ne ferait rien pour mettre de l’huile sur le feu, qu’il ne pouvait pas sortir dans la rue pour dire qu’il était d’accord avec moi mais que je pouvais compter sur lui pour que la rue ne bouge pas. Et là, il y avait donc un consensus fort et on avançait, et on sortait de la crise ».
En 1985, pendant que le Maréchal Mobutu visitait le Sénégal, les opposants voulurent organiser une marche pour lutter contre l’apartheid. Jugeant la marche malvenue, le gouverneur de Dakar interdit la marche. Certains opposants outrepassèrent cette interdiction et cela résulta à leur arrestation dont le président Wade. Ils furent arrêtés pour trouble à l’ordre public, le juge s’appuyant sur le procès-verbal du commissaire de police faisant acte de l’absence du président Wade durant cette marche, innocenta tous les prévenus. Ceci démontra l’indépendance de la justice sous le président Diouf.
Après 72 jours de détention postélectorale de 1988, le président Wade fut amnistié par le président Diouf et reçu par ce dernier. Un consensus est trouvé autour d’une table après de longues heures d’horloge. La situation économique du pays fut toujours désastreuse avec la dette représentant 60 à 70% du PIB soit près de la moitié de nos recettes allouées au service de la dette. Après avoir exigé au président Diouf l’augmentation des denrées de première nécessité, ces organismes revinrent vers lui pour dire que « nous avions tort, vous êtes allé trop loin sur nos recommandations, vous devriez réduire maintenant le prix du riz, réduire le prix de l’huile, réduire le prix du sucre ». C’est ce que nous avons fait » (Entretien avec Philippe Sainteny).
Les recettes de l’État furent insuffisantes, les banques eurent des problèmes de liquidités car les retraits étant supérieurs aux dépôts, la population du Sénégal au début des années 80 fut de 5,5 millions de personnes. Les organismes exigèrent le départ des fonctionnaires de l’État, la France après avoir annulé la dette souffrait elle-même de problèmes financiers poussant le Sénégal à compter sur le FMI et la banque mondiale.
Ces organismes pensèrent que le Franc CFA fut surévalué et subit de farouches concurrences face aux pays ayant leurs monnaies uniques qui pouvaient les manipuler pour favoriser leurs exportations. La dévaluation du Franc CFA fut inévitable ; L’intervention militaire en Guinée Bissau ; La crise diplomatique de 1989 avec l’embargo mutuel entre le Sénégal et la Mauritanie, le président Diouf disait dans ce sens dans le Soleil du 23 août 1989 « qu’il faudrait être fou dans le monde actuel pour rechercher la guerre, surtout quand on est un pays sous-développé et de surcroît sahélien ».
Durant les élections de 1993, le vice-président du conseil constitutionnel fut assassiné le 16 mai 1993. Le président Wade fut interpellé et placé en garde à vue. Il disait dans un entretien accordé à Jeune Afrique (numéro 1690 du 2 juin 1993) : « je ne donne aucun crédit aux décisions du Conseil constitutionnel qui se trouve sous l’influence des hommes d’Abdou Diouf, en particulier de son vice-président, Me Babacar Sèye, qui a été pendant longtemps un député socialiste. Ce n’est pas sérieux. » Trois suspects furent arrêtés dans le cadre de l’enquête, Amadou Clédor Sène, Ibrahima Diakhaté et Assane Diop ; ils avouèrent avoir reçu de l’argent du président Wade par le biais de Mody Sy et de Viviane Wade mais ils changèrent de version en incriminant les responsables du Parti socialiste. Le président Wade bénéficia d’un non-lieu en 1994 et revint au gouvernement en 1995 en tant que ministre d’État.
Dans le même entretien avec Philippe Sainteny, le président Diouf dit « j’ai voulu apparaître comme un chef d’Etat et non plus chef de parti. J’ai commencé par demander à mes camarades de me décharger de mes fonctions de secrétaire général du parti pour que je me consacre à l’Etat comme cela se fait dans les grandes républiques… et mes camarades ont refusé. A ce moment-là, j’ai essayé de trouver une solution pour arriver à mes fins sans les désavouer. J’ai fait adopter une réforme où j ‘étais président du parti avec un premier secrétaire qui gérer le parti au quotidien parce que je voulais me préoccuper de la gestion de l’Etat ». Mieux vaut tard que jamais.
Étant toujours dans la même lancée de la transparence, le président Diouf nomma le général Cissé nouveau ministre de l’Intérieur pour des élections législatives transparentes. Cette nomination fut applaudie par toute l’opposition car le General Cissé fut à la limite apolitique. Avant l’élection présidentielle de 2000, nous pouvions noter de nets progrès dans l’économie Sénégalaise. La croissance avait accru de 2,2% en 1993 à 5,1% en 2000 et l’inflation elle avait décru de 32,1% à 0,8% durant le septennat du président Diouf (Le Monde du 27 février 2000).
Face à toutes ces crises et défis que le Sénégal traversa durant le magistère du président Diouf, ce ne fut pas du tout évident de faire un aussi bon travail. Avec la crise économique, le FMI et la banque mondiale vous demandant d’augmenter le prix des denrées de première nécessité et de diminuer les fonctionnaires et les salaires, je pense que le président Diouf fut le président des crises et il navigua en eaux troubles vues l’incertitude qui domina durant cette période.
Pendant que tous les clignotants furent au vert, la première alternance prise place et ce fut la chance du président Wade d’hériter d’une économie en bonne santé malgré le taux de chômage qui était élevé et l’indice de développement humain qui était bas. Tout ce que le président Wade avait à faire était de faciliter la création d’emplois et d’élever l’indice de développement humain mais il avait son bilan propre à lui qui était très infrastructurel. Sosthène disait que « les regrets que laisse le bonheur sont encore une jouissance ».
Par Mohamed DIA, Consultant
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* Titire source : Le président sénégalais le plus méritant… (Par Mohamed DIA)