Arabie saoudite : Khashoggi, le dernier mort du « printemps arabe »

Analyse. Le retentissement qu’a eu la disparition de Jamal Khashoggi, tué dans le consulat saoudien d’Istanbul, tient en partie, aussi, à son symbolisme. La mort de cette figure de la presse saoudienne, qui refusait l’étiquette de dissident, mais bousculait, depuis son exil américain, la figure toute-puissante du prince héritier, Mohammed Ben Salman, peut être vue comme une nouvelle offensive de la contre-révolution arabe. La marque du sentiment d’impunité absolu qui habite aujourd’hui les despotes du Proche-Orient.

Certes, la fuite en avant des régimes autoritaires dans le tout-répressif est une tendance mondiale, encouragée par le dédain de Donald Trump pour les droits de l’homme et le multilatéralisme. En matière d’élimination de gêneurs, la Russie de Vladimir Poutine, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan et la Chine de Xi Jinping n’ont rien à apprendre de la maison des Saoud.

Sensibilité islamisante

Mais l’opération d’Istanbul a un parfum proche-oriental immanquable. Avec sa sensibilité islamisante, son attachement au pluralisme politique et son aversion pour les Etats policiers, Jamal Khashoggi était en adéquation avec une grande partie de la jeunesse du « printemps arabe ». Dans ses écrits, il avait pris position en faveur de ce mouvement de révolte historique, à contre-courant du sentiment dominant au sein de l’establishment saoudien, inquiet d’une possible contamination.

Ancien partisan, comme la majorité de ses compatriotes, du djihad afghan, qu’il avait couvert à ses débuts dans le métier, il avait gardé de ces années un mélange de curiosité intellectuelle et de sympathie pour l’islam politique. Jamal Khashoggi n’était pas membre des Frères musulmans, et il lui arrivait de les critiquer, surtout la branche égyptienne, qu’il rendait en partie responsable du retour de l’ancien régime sur les bords du Nil.

Il considérait, à l’instar de la plupart des penseurs du « printemps arabe » et comme le cas tunisien...

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Le Monde - Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)

ven, 26/10/2018 - 18:30

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