La Mauritanie n'est plus membre de la Communauté Economique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) depuis un quart de siècle, mais sa présence dans les profondeurs de la carte ouest-africaine lui impose de gérer une relation exceptionnelle avec les pays de cette organisation.
Elle n’est bien sûr pas un pays voisin du Niger au sens géographique, mais la similitude des enjeux de la région et l'imbrication des relations avec les parties de la crise fait que sa position suscite de l’intérêt en raison de l'impact stratégique réel et attendu.
Qu’elle est la position de Nouakchott par rapport à la crise ? son rôle et ses perspectives ? Des questions que nous nous emploierons à leur trouver des réponses dans le Zoom Essahraa de cette semaine, dans notre troisième épisode sur le coup d'État au Niger et ses répercussions.
« « «
En arrière-plan
Il y a des donnés essentielles qu'il convient de rappeler au début du décryptage de la position mauritanienne face à la crise :
✔️ La Mauritanie est membre fondateur de la CEDEAO, mais elle avait décidé de quitter l'organisation à la fin du siècle dernier sur la base d'appréciations liées aux alliances et aux attentes dans la région à l'époque.
✔️ La Mauritanie est membre fondateur du Groupe des Cinq pays du Sahel, dont le siège est basé à Nouakchott. Autrement dit le Groupe qui est au plus profond de la crise multiforme qui frappe actuellement la région (pour rappel les membres du G5 Sahel sont : la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad).
« «
Relations enchevêtrées
✔️ La Mauritanie entretient des relations entrelacées et parfois complexes avec les parties de la crise :
☑️ Le premier de ces liens était avec le président Bazoum renversé lors du coup d'État du 26 juillet, auquel des sources présentes à Niamey, attribuent des relations fortes avec le président Mohamed Ould Cheikh Ghazouani.
☑️ La Mauritanie est classée parmi les pays se trouvant dans une situation exceptionnelle dans les relations avec l'OTAN, qui place sa sécurité au sein de sa sécurité stratégique.
☑️ La Mauritanie entretient des relations étendues et solides avec Paris alors que la France a été le dernier pays visité par le président Ghazouani au cours de son voyage retour de Chine et avant de participer au sommet d'Abuja.
☑️ La Mauritanie entretient une relation prudente avec la Russie, dont le Premier ministre Mohamed Ould Bilal a assisté au sommet Russie -Afrique à Saint-Pétersbourg en présence de dirigeants africains. Ce sommet qui a débuté dans les heures qui ont suivi l’arrestation de Bazoum au palais présidentiel de Niamey.
☑️ Il y a moins d'un mois, une délégation militaire et de sécurité de haut rang était de passage en Mauritanie. Ce qui traduit par ailleurs une relation qualifiée à Nouakchott et à Washington comme intime et vitale.
« « «
Les étapes d’expression de la position
Contrairement à des précédentes étapes par rapport aux crises successives, la position sur le coup d'État nigérien a été très vite annoncée par un communiqué du ministère mauritanien des Affaires étrangères, condamnant le putsch et appelant à un retour à l’ordre constitutionnel.
Cette position a été confirmée par la suite de plusieurs façons :
✔️ Confirmé dans un communiqué officiel ultérieur.
✔️ Et dans une déclaration du porte-parole du gouvernement à l'issue d'une réunion, disant que la Mauritanie étudiera la demande de participation à une opération militaire de rétablissement de la légitimité, si on la lui demande.
✔️ La participation du président Mohamed Ould Cheikh Ghazouani au sommet d'Abuja jeudi dernier a été l'expression la plus claire de l'implication de la Mauritanie dans le cours de l'interaction avec la crise, compte tenu de sa symbolique et de son rôle géostratégique dans la région.
Une position chaleureusement accueillie par la CEDEAO, ont affirmé des sources officielles, selon lesquelles, l’organisation a interagi positivement avec les propositions de Nouakchott, au cours de la phase de formulation des résultats finaux des travaux du sommet extraordinaire de la CEDEAO, qui a décidé de :
✅ Privilégier la voie diplomatique
✅ Activez les forces spéciales du groupe
✅ L’intervention militaire si nécessaire. »
« «
Quelles perspectives ?
La crise au Niger est encore à ses balbutiements, selon les indicateurs disponibles jusqu'à présent, et il semble que les positions et les paris qui se chevauchent deviennent de plus en plus difficiles et complexes heure par heure, ce qui renforcera l'importance de la position mauritanienne et ses sensibilités, plaçant Nouakchott dans les prochains jours devant des épreuves stratégiques décisives pour fixer sa position et son impact dans le futur :
✔️ Comment va-t-elle gérer ses relations avec le CEDEAO dont la plupart de ses pays soutiennent l'intervention militaire, et maintenir en même temps sa position à la tête du Groupe des Cinq, au sein duquel, la balance penche en faveur du soutien du putsch ?
✔️ Et comment fera-t-elle pour préserver la boussole de la relation à la fois avec la France et les États-Unis, les deux partenaires traditionnels dont les positions sur la crise connaissent une divergence remarquable.
Il sera difficile d'anticiper des réponses à des questions auxquelles les heures et les jours qui viennent pourraient en ajouter d'autres, mais il semble que Nouakchott n'aura d'autre choix que de continuer à interagir étroitement avec souplesse et dynamisme avec une crise dont les observateurs perçoivent que ses effets stratégiques seront non négligeables dans le contexte international global, à fortiori, dans la conjoncture régionale proche et similaire.
