La journée électorale au Nigeria ne s'est pas déroulé sans encombres. Des dysfonctionnements, des violences et des victimes sont à déplorer. Le scrutin a même été prolongé demain pour permettre à ceux qui en ont été empêchés de voter. Reportage de notre envoyée spéciale à Port Harcourt.
Les rues sont totalement vides, à Port Harcourt. Des patrouilles de police, quelques piétons égarés. Plus de 9000 policiers ont été déployés dans l’État du Rivers, où plus de 2,5 millions d’électeurs sont attendus aux urnes, pour éviter les violences. Comme partout dans le pays, les mouvements sont interdits, les rues vidées, les aéroports fermés. Cela devait durer jusqu’à 17 heures, en théorie.
Mais tout ne s’est pas vraiment passé comme prévu. Comme l’explique Ndidi Okafor, une responsable de la Commission électorale indépendante (INEC) envoyée à Port Harcourt pour superviser le scrutin, "on doit pouvoir prendre en compte les facteurs humains. Certains de nos agents subissent des pressions et décident de ne pas venir travailler. D’autres sont malades…"
Partout dans le pays, la situation a été chaotique. Des rapports font état de violences, un peu partout sur le territoire. Dans l’État de Borno, Abubacar Shekau, le chef de Boko Haram, a tenu sa macabre promesse : il a fait de ces élections un enfer. Ses combattants ont attaqué la zone de Dukku et fait plusieurs victimes.
Dans le Rivers, l’État le plus armé du pays et fief du président sortant, Goodluck Jonathan, un militaire a été tué. La police a eu du mal à contenir les conflits entre militants et la maison d’un représentant du Parti démocratique du peuple (PDP, au pouvoir) a été brûlée…
Des dysfonctionnements prévisibles
"Ne te plante pas, Jonathan !" Dans le grand hall du Continental hôtel de Port Harcourt, vide, Joseph, un employé, commente la scène. La télévision montre en direct le président sortant, glissant ses bulletins dans l’urne : vert pour la présidence, rouge pour l’Assemblée nationale, jaune pour le Sénat. À moins que ce ne soit le contraire. Un peu plus tôt dans la journée, Goodluck Jonathan a été quelque peu gêné, quand son enregistrement électronique n’a pas fonctionné. Face aux aléas informatiques, des agents de l’INEC ont préféré finalement relever les noms manuellement. Et la centralisation des résultats ? C’est encore un mystère… Voilà des semaines que les ratés du nouveau système électronique sont pointés, même au sein de l’INEC. Dans l'état du Niger, ce sont 20 bureaux de vote qui n'ont pas pu ouvrir, pour des raisons techniques...
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Un scrutin sous tension
Plus tôt dans la matinée, la tension était palpable dans certains bureaux de vote de Port Harcourt. Amassés aux abords, les votants s’impatientaient sous la chaleur accablante. "J’ai faim ! Quand est-ce que les partis politiques viennent nous payer ?", demande Ezeuduji qui a pu s’enregistrer et attend de glisser ses bulletins dans l’urne. Son vote ira au plus offrant, si les candidats veulent bien se montrer. Le temps passe et le ton monte. Une bagarre éclate dans le bureau. Les électeurs s'enfuient en courant lorsque des policiers armés arrivent en trombe. Ce n’est pas aujourd’hui qu’Ezeuduji aura l'argent qu'elle attend des partis en échange de son vote.
Au bureau central de l'INEC, petit à petit, on ne se fait plus d'illusion sur l'issue de la journée. "Nous laisserons les personnes enregistrées voter, jusqu’au dernier électeur", assure Ndindi. Mais le défi est impossible à relever en une seule journée.
En fin d'après-midi, l'INEC a officiellement annoncé la poursuite des élections dimanche dans les zones où les dysfonctionnements ont empêché la bonne tenue du scrutin.