Mauritanie/Fatwa contre l’esclavage : Les Oulémas feront-ils mieux que le législateur

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mar, 2015-04-07 07:50

«A partir de la date de ce jour, mardi 31 mars,  l'esclavage en Mauritanie n'a plus aucun fondement légal au regard de la charia.» C’est la décision (Fatwa) prise par la ligue des oulémas de  Mauritanie  à l'issue de la réunion de son bureau exécutif. Cette décision a été prise « Après examen minutieux de la situation sociopolitique de a société mauritanienne,

- Après étude des questions de la charia qui engagent la société,

- Après examen de la fatwa édictée par les oulémas en 1981 et de la décision de l'Autorité promulguant l'abolition de l'esclavage en Mauritanie. » Conséquence attendues de cette décision : «  toutes les pratiques à caractère esclavagistes sont considérées, à partir de cette date, illégales du point de vue de la charia islamique. L'ensemble des parties concernées sont conviées à œuvrer à l'éradication des séquelles de ce phénomène qui s'est perpétué à travers l'histoire.»

Et pour finir, la Ligue, dans sa Fatwa, élève la lutte contre les pratique esclavagiste au stade de devoir religieux en ces termes : « la ligue lance un appel à toutes les parties concernées afin de prendre en considération cette décision, et d'œuvrer, par tous les moyens, à l'éradication des séquelles de ce phénomène. Un tel effort est considéré comme étant un devoir religieux que tous, chacun en ce qui le concerne, doit accomplir.»

En matière d’esclavage comme dans bien d’autres domaines en Mauritanie, les pratiques, les habitudes…sont parfois plus fortes que les lois. L’esclavage a été criminalisé en 2007 par une loi votée à l’assemblée nationale. En 2012, une révision constitutionnelle a déclaré cette pratique « crime contre l’humanité.» Dans le préambule de la constitution, il est écrit « préceptes de l'islam, seule source de droit… » Les dispositions de la loi de 2007 criminalisant les pratiques esclavagistes ne sont pas contraires a l’Islam. Pourquoi alors une Fatwa déclarant ces pratiques illégales du point de vue de la Charia ? La fatwa, explique un Imam aura un effet pédagogique car, selon lui « pour changer les mentalités, le recours aux imams et oulémas peut être plus efficaces que la loi. » Aminetou Mint Moctar, présidente de l’AFCF et membre de SOS Esclaves va dans le même sens. Elle a déclaré : « Cette Fatwa était l'une des revendications de nos Organisations, nous avons toujours dit que la mentalité des mauritaniens et l'ignorance des textes sacrés ont contribué à la persistance de cette pratique inhumaine et dégradante pour l'humanité toute entière et cette Fatwa si elle est bien vulgarisée, peut contribuer d'une manière efficace à la lutte contre toutes les formes des pratiques esclavagistes dans notre pays.»

Autre remarque. Le texte des oulémas tel que rapporté par l’AMI (agence mauritanienne d’information) dit ceci « A partir de la date de ce jour, mardi 31 mars,  l'esclavage en Mauritanie n'a plus aucun fondement légal au regard de la charia.» La bonne formulation ne devait-elle pas être «   l'esclavage en Mauritanie n'a aucun fondement légal au regard de la charia.»

« Après examen de la fatwa édictée par les oulémas en 1981 et de la décision de l'Autorité promulguant l'abolition de l'esclavage en Mauritanie. »  Ce paragraphe de la Fatwa a suscité une vive réaction de l’APP (alliance populaire progressiste) dirigée par Messoud Oulod Boulkheir. Pour l’APP cette référence de a la loi de 1981 «ôte toute crédibilité aux Oulémas, eu égard à l’incohérence et au manque de réalisme de la dite fatwa. » L’APP écrit dans une déclaration réaction «cette fatwa et l’ordonnance 81 – 234 du 9 Décembre 1981 qui constitue son couronnement, viennent contredire les enseignements du saint Coran. En effet Allah ne dit-il pas dans le verset 70 d’«Al-Isra», (Le voyage nocturne) : « Certes, Nous avons honoré les fils d'Adam. Nous les avons transportés sur terre et sur mer, leur avons attribué de bonnes choses comme nourriture, et Nous les avons nettement préférés à plusieurs de Nos créatures. »

L’islam, religion de liberté et d’amour, a toujours appelé à la préservation de la dignité humaine. Qui plus est, l’esclavage dans cette contrée est le produit de plusieurs siècles d’anarchie et d’obscurantisme au nom desquels des hommes libres furent assujettis.

Alors que l’Islam interdit clairement et catégoriquement toute pratique primitive de la capture de personnes libres, pour les réduire à l’esclavage ou pour les vendre en tant qu’asservies. » A ce sujet, l’APP ajoute « Sur ce point, des propos clairs et péremptoires du Prophète— paix et bénédiction sur lui— citant Allah affirment : « Je serai l’adversaire de trois catégories de personnes le Jour du Jugement » ; parmi ces trois catégories, il cita « celui qui asservit un homme libre, puis le vend et récolte cet argent. » (rapporté par Al-Bukhârî et Ibn Mâjah) ; sachant que les termes de cette tradition prophétique sont généraux et n’excluent personne.

La prétendue abolition faisant suite à l’ordonnance précitée, décrétée sur la base de la fatwa de certains Ulémas (qu’Allah leur vient en aide) et qui « donnera lieu à une compensation au profit des ayants droits » au préjudice des esclaves, visait purement et simplement la légitimation de l’esclavage et l’absolution des maîtres. Mais désavouée comme il se doit, l’ordonnance ne connaîtra jamais le début d’application.» Apres la publication de cette fatwa, Le Conseil des ministres du jeudi 02 avril « a examiné et adopté le Projet de loi abrogeant et remplaçant la loi n° 2007-048 du 3 septembre 2007 portant incrimination de l'esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes. »

Ce projet de loi « intervient conformément aux modifications de la Constitution et aux recommandations de la feuille de route sur l'éradication des formes contemporaines de l'esclavage

Il introduit une terminologie claire et précise relative à l'esclavage et incorpore les infractions prévues par les conventions internationales en la matière.» L’une des principales revendications des ONG défenseurs des droits de l’Homme est de leur permettre de se porter partie civile devant els tribunaux pour assister les, victimes de pratique esclavagistes. A ce sujet, Boubacar Ould Massoud, président de SOS Esclave déclarait récemment : «  La loi de 2007 ne nous permet pas en tant qu’organisations de défense des droits de l’Homme de nous porter partie civile pour soutenir les esclaves. Les esclaves, du fait des pressions, renoncent souvent aux poursuites. Ils sont influençables par leurs maîtres et le milieu. Pour contourner ces influences, nous avons demandé que dans le texte sur l’esclavage, soit insérer une disposition nous permettant de nous porter partie civile comme c’est fait dans la loi portant protection pénale de l’enfant.

C’est fait ainsi car on estime que l’enfant est incapable. L’esclave aussi est incapable de résister à la pression de ses maîtres.» Le projet de loi adopté en conseil des ministres prend-il en compte cette préoccupation des défenseurs des droits humains ? Autres préoccupations : les militants antiesclavagistes dénoncent souvent la non application par les tribunaux des textes réprimant cette pratique. En plus de la loi, les juges, renforcés (moralement) par la FATWA, seront-ils plus réceptifs aux plaintes des victimes de l’esclavage ?

Khalilou Diagana

Le Quotidien de Nouakchott