
Ce n’est pas la première fois que des gardes-côtes mauritaniens tirent sur des pêcheurs sénégalais pris en flagrant délit de pêche illégale dans les eaux mauritaniennes. Cela arrive quasiment tout le temps depuis des lustres.
Toutefois, cette fois-ci, l’incident a pris une autre ampleur dans les colonnes de la presse sénégalaise, qui a opté plus pour le sensationnel que la réalité des faits.
Ainsi, le timing de cet incident ayant coïncidé avec les tensions entre les deux pays, nées de la crise gambienne et surtout de la sortie malheureuse d’un animateur d’une émission de la «2STV» sénégalaise appelant une communauté mauritanienne à prendre des armes contre une autre pour se libérer, beaucoup on vite fait le raccourci pour expliquer les tirs des gades-côtes mauritaniens sur les pêcheurs sénégalais.
Selon les autorités mauritaniennes, ces tirs sont uniquement le résultat d’une situation de légitime défense, selon un communiqué du gouvernement rendu public lundi soir.
Selon le ministère de la Pêche et de l’économie maritime, «les pêcheurs sénégalais qui opéraient illégalement dans les eaux territoriales mauritaniennes, ont jeté des cocktails molotov en direction des embarcations des gardes-côtes mauritaniens, et lancé leurs filets en leur direction pour bloquer les moteurs, tout en essayant de les traîner en direction de la frontière sénégalaise.
C’est ainsi que les gardes-côtes mauritaniens ont fait usage de leurs armes, en situation de légitime défense, sans intention de nuire aux pêcheurs». Le ministère réaffirme «la nécessité de protéger les eaux mauritaniennes, déplore l’incident et souhaite un bon rétablissement aux blessés».
En clair, pour Nouakchott, cet incident n’a rien à voir avec une quelconque tension entre les deux pays.
Pour sa part, le ministre sénégalais de la Pêche et de l’économie maritime, Oumar Guèye, a souligné sur les ondes de la radio sénégalaise Sud FM, que «depuis 2016, aucun accord de pêche n’a été signé entre l’Etat sénégalais et la Mauritanie. Donc, aucun pêcheur sénégalais n’a le droit d’aller pêcher dans les eaux de notre voisin mauritanien». En clair, les pêcheurs victimes de cet incident malheureux en sont responsables, même si le ministre ajoute que «ça ne justifie pas les moyens utilisés par les gardes-côtes mauritaniens».
Pour rappel, cet incident a eu lieu dans une zone située près de la frontière maritime entre les deux pays en début de ce mois et a causé des blessés dans les rangs des pêcheurs sénégalais qui opéraient illégalement dans les eaux mauritaniennes.
Or, l’accord de pêche autorisant 400 embarcations sénégalaises à pêcher dans les eaux maritimes mauritaniennes a pris fin en début 2016. Depuis cette date, les pêcheurs sénégalais de Saint-Louis entraient illégalement dans les eaux mauritaniennes.
Toutefois, dernièrement, les autorités mauritaniennes sont passées à l’offensive sur ce dossier. D’abord, elles ont arrêté les pécheurs sénégalais, toujours dans les eaux mauritaniennes, et saisi leurs embarcations. Après la libération de 150 embarcations suite à des négociations, 250 pirogues de pêche restent encore à quai dans les ports de pêche de Nouakchott et de Nouadhibou.
Ces embarcations et leurs équipages attendent toujours des bons de sortie pour retourner au Sénégal du fait que les parties sénégalaise et mauritanienne ne sont pas tombées d’accord sur un nouvel accord de pêche.
En effet, la nouvelle loi encadrant la pêche oblige le débarquement sur le sol mauritanien du poisson pêché dans ses eaux mauritaniennes. Ce que ne veulent pas entendre les pêcheurs sénégalais. Pour le porte-parole du gouvernement mauritanien, Cheikh ould Ahmed, «le non-renouvellement de l’accord de pêche entre dans le cadre de la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie de gestion des ressources halieutiques et ne doit pas être considéré comme une mesure discriminatoire visant les représentants d’un autre pays».
Ensuite, l’autre volet qui empoisonne les relations entre les deux pays au niveau de la pêche est relatif à la mauritanisation des travailleurs du secteur de la pêche. Une loi adoptée en 2012, et qui était restée en souffrance depuis cette date, a été remise au goût du jour le 25 janvier dernier.
Désormais, seuls sont autorisés à travailler dans les embarcations de pêche traditionnelles mauritaniennes les étrangers titulaires de licences spéciales. Une situation qui vise les pêcheurs sénégalais exerçant dans ce métier.
Conséquence, plusieurs embarcations de pêche mauritaniennes sont à quai faute de main-d’œuvre mauritanienne à même de supplanter les pêcheurs sénégalais. Une situation qui risque d’avoir des conséquences sur la disponibilité du poisson au niveau des marchés de Nouakchott et de Nouadhibou, et d’entraîner une flambée du prix de cette denrée indispensable, et jusqu'ici à portée de toutes les bourses.
Par notre correspondant à Nouakchott Cheikh Sidya
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