
Seize morts, cinq cents personnes arrêtées et un nombre inconnu de blessés à ce jour. Les hôpitaux annoncent la nécessité du don de sang, et les rues sont témoins de violents affrontements entre manifestants et forces de l'ordre.
Telles sont les affiches du bilan des incidents qui se déroulent au Sénégal depuis la publication d'un jugement inculpant de « corruption de la jeunesse ».le chef de l'opposition et maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko,
Dans le Zoom Essahraa de cette semaine, nous examinons les détails de la scène et ses répercussions potentielles pour un pays qui a été présenté dans le contexte africain en général et dans le contexte de l'Afrique de l'Ouest en particulier comme l'exception en termes de cohésion sociale et de son immunité contre le phénomène des coups d'État et l’ancrage de l’alternance pacifique au pouvoir. Le Sénégal maintiendra-t-il cette exception propre à lui ou bien, des facteurs cumulés et émergents (certains locaux, d'autres régionaux et externes) pourraient le pièger cette fois dans l’ambuscade de l’instabilité qui étend presque son hégémonie sur le Sahel et le sud du Sahara ?
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Le Contexte de la condamnation..?
L'affaire du leader de l'opposition, Ousmane Sonko, fait rage dans les médias et la justice depuis près de deux ans, lorsqu'il a été accusé par le masseusse Adji Sarr de l'avoir agressée sexuellement. Ces charges ont été qualifiées par le jeune dissident sénégalais et les jeunes forces qui le soutiennent comme un simple épisode malicieux du feuilleton de liquidation du régime de Macky Sall de ses opposants, rappelant des scénarios antérieurs vécus précédemment par des opposants et des concurrents.
✔️ Le fils de l'ancien président, Karim Wade, reconnu coupable d’une corruption, qui l’avait éloigné de la compétition en plus de sa condamnation à vivre à l’exil à Doha très loin de son bercail.
✔️ Et l'ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, qui a également été condamné dans des affaires de mauvaise gestion qui l'ont éloigné par la même occasion de la commune de la capitale d’une part et de briguer la présidence, d’autre part.
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L'épisode le plus dur
Cependant, la liquidation de Sonko semble avoir été la plus difficile de toutes celles qui avaient ciblé ses prédécesseurs, en raison des considérations multiples dont les plus importantes sont :
✔️ Le fait qu’il n’a occupé, au moment de l'ouverture de dossiers judiciaires dans lesquels il est visé, aucune responsabilité de gestion, ce qui a fait évoluer le champ de son accusation vers les aspects moraux. Soit un domaine difficilement admis dans la vie publique par l’opinion sénégalaise.
✔️ Il représente aux yeux des jeunes générations au Sénégal, un modèle pour faire face à ce qu'ils considèrent comme étant les deux plus grands dangers auxquels le pays est confronté, à savoir.
☑️ la corruption interne : un dossier où Sonko s’est fait illustrer dans la dénonciation et la mise à nu au cours de son mandat parlementaire,
☑️ La domination extérieure, notamment française : C'est un ton cohérent avec une vague montante de mécontentement à l'égard de la présence française dans la région, que les Français considèrent comme une cour extérieure pour Paris, une profondeur culturelle et même un soutien économique.
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Les accusations "variantes"
La difficulté de l'épisode de liquidation de Sonko, comme disent ses partisans, ou l'insouciance de son comportement politique, comme le prétendent ses adversaires, l'ont mis en confrontation avec la justice et l'État profond au Sénégal sur plusieurs fronts :
✔️ Il est accusé de viol sur une masseuse.
✔️ d'avoir diffamé un ministre du gouvernement
✔️ Certaines de ses déclarations suscitent des réserves chez des milieux religieux, pour lesquels ces propos constituent une désobéissance à un ordre auquel les Sénégalais vouent une loyauté quasi absolue.
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Corruption de la jeunesse
Si la récente décision de justice l'a acquitté de l'affaire de viol, en dehors de toutes les charges pour lesquelles un verdict était attendu, elle l'a toutefois reconnu coupable d'une nouvelle accusation de corruption de la jeunesse.
Les observateurs estiment à ce propos que le verdict a fourni des preuves supplémentaires aux partisans de la rébellion opposante pour donner un cachet politique à l'affrontement livré dans les couloirs des tribunaux. Pourtant, le gouvernement de Macky Sall et ses partisans considèrent :
✔️ que le verdict est la preuve de l'indépendance de la justice et de son jugement au finish par les faits entre ses mains et non par l'accusation exigée ou peut-être souhaitée par les opposants de l'homme.
✔️ La crise de Sonko selon laquelle, il n’a pas pu se comporter en homme d'Etat plutôt qu'en leader de groupes de jeunes rebelles.
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Quelles perspectives ?
Quoi qu’il en soit, le verdict a été rendu et Sonko a été condamné. Son éligibilité pour participer aux élections de février 2024 est devenue par conséquent une grande question ?!
Cependant, ce qui intrigue jusqu’à présent, c’est le fait que l'homme condamné n'a pas encore été envoyé en prison, même si ses avocats disent que sa maison, entourée de toutes parts par les forces de sécurité, est devenue depuis une véritable geôle. Cependant, il est plus probable - selon nos calculs- que le report du renvoi en prison soit une décision politique par laquelle le président Macky Sall veut offrir une dernière chance à une solution consensuelle pouvant venir de l'un ou l'autre ou d'un effort arrangé d’une manière ou d’une entre les deux
☑️ Les sectes et les chefferies soufistes d’influence exceptionnelle au Sénégal. Il s’agit du même pôle que a trouvé par le passé une solution de dernière minute à la crise des listes électorales qui avait failli faire sauter les élections législatives au cours de l'automne dernier.
Avec l'influence des ordres soufis au Sénégal et de leurs relations qui ne sont pas au beau fixe avec Sonko, l’homme n’est pas un mouride achevé, mais il s’est plutôt illustré au cours de ses études universitaires par ses tendances à l'islam politique !
☑️ Les cercles diplomatiques à Dakar et les organisations régionales : ce rôle tire son prestige et sa valeur de la centralité du Sénégal dans la région, mais les difficultés auxquelles il est confronté résident aussi dans la radicalité du discours de Sonko envers les ingérences extérieures et ce qu'il appelle l'impérialisme occidental et la fragilité du Sénégal face à toutes les interventions.
En conclusion, on peut dire - en regardant vers l'avenir - que le pays qui a survécu à des chocs similaires à la fin du règne de ses anciens présidents, Abdoulaye Wade et Abdou Diouf, fait maintenant face à des défis plus dangereux, plus difficiles et plus complexes, ce qui rend sa survie cette fois plus incertaine, puisque les parties de la crise interne sont moins flexibles et que la situation régionale et internationale est moins sure et plus fragile pour servir de bouée de sauvetage