
"Le Monde"publie une captivante enquête sur des jeunes filles qui sont parties enSyrie. Et sur d'autres qui, depuis la France, rêvent d'attentats.
À l'âge où la majorité des adolescentes pensent à leurs premiers émois, d'autres ont un tout autre objectif en tête : le djihad. C'est une remarquable enquête que livre Le Monde dans son édition datée du vendredi 4 mars.
L'histoire de ces jeunes filles, âgées de 14 à 19 ans, originaires de plusieurs régions de France, enfants de la classe moyenne, qui ont basculé dans l'islam radical.
Il y a Léa, partie rejoindre son mari de huit ans son aîné à Raqqa, le fief de l'organisation de l'État islamique, le 18 juin 2014. Sous son matelas, ses parents ont retrouvé une lettre d'adieu : « Tout d'abord, je m'excuse pour les nombreuses fautes d'orthographe. (…) Je suis partie vers un pays saint où sera ressuscité le jour de la résurrection. Je suis partie, car mon bonheur c'est de faire de ma vie la religion et ne pas avoir de contraintes. »
« Je suis salafiste »
Quarante-huit heures après le départ de l'adolescente, deux de ses amies virtuelles sont entendues par les services de police. Elles s'appellent Camille etJuliette. Elles ont à peu près le même âge et sont toutes aussi radicalisées. Lors de son audition, Camille ne fait pas mystère aux enquêteurs de ses opinions : « Mes parents sont athées. Je suis salafiste. » Mais Camille confond pourtant l'Armée syrienne libre (le premier groupe armé opposé à Bachar el-Assad) et l'État islamique. Ce qui ne l'empêche pas de vouloir commettre avec Fatima, une autre adolescente rencontrée sur Internet, des attentats sur le sol français, faute de pouvoir rejoindre la Syrie.
Soren Seelow, l'auteur de cette enquête extrêmement fouillée, a pu mettre la main sur des SMS échangés entre Camille et Fatima. La violence de leurs propos a de quoi inquiéter. Leur naïveté aussi. Fatima, qui rêve de tuer des juifs, ne sait même pas ce qu'est un kamikaze. Plus terrifiant encore, la fascination de Camille pourMohamed Merah, l'auteur d'une série d'attentats dans la région toulousaine. « Oui, ça oui, un attentat comme Merah ou tout faire sauter en kamikaze. Faire une fusillade comme il a fait, tuer des adultes, surtout contre des juifs (…) », raconte-t-elle aux enquêteurs. Camille fait preuve d'une absence totale de sensibilité. Les vidéos sanglantes diffusées par Daech ne l'atteignent pas : « Ce n'est pas ma tasse de thé, mais je ne suis pas choquée par ces vidéos. J'ai vu la vidéo du journaliste américain qui se faisait égorger, mais je trouve que ça ressemblait à un dessin animé. »
867 adolescentes
Comme Camille et ses copines, elles sont 867 adolescentes en France, signalées comme radicalisées. Un phénomène inquiétant et en pleine expansion.« Entre octobre 2013 et octobre 2015, la proportion de femmes parmi les Français ayant rejoint la Syrie est passée de 12 % à 35 %, tandis que le flux de départs des hommes fléchissait légèrement », rappelle Le Monde.
Reste la question de la réponse judiciaire. Camille, Juliette et Fatima ont toutes été mises en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Après s'être inscrite à un CAP petite enfance, Camillesemblait avoir renoué avec la réalité. Mais les enquêteurs ont découvert récemment qu'elle cherchait de nouveau à rejoindre la Syrie.
Le Point