Le ministère mauritanien des Affaires religieuses a fait parvenir aux mosquées un sermon uniformisé, visant à diffuser un discours religieux qui interdit l'esclavage.
Jeudi dernier, le 11 décembre, le ministre des Affaires religieuses Ahmed Ould Ahl Daoud, le ministre de la Justice Sidi Ould al-Zain et les imams de Nouakchott ont décidé de délivrer ce message anti-esclavage lors de la prière du vendredi.
Cette initiative a été lancée dans un millier de mosquées et s'étendra au final à tous les lieux de culte.
Ould Ahl Daoud a expliqué que cette initiative avait pour but de combattre l'esclavage, présent depuis plusieurs siècles en Mauritanie en raison de fatwas religieuses influentes.
Les organisations de lutte contre l'esclavage ont accusé les religieux de promouvoir cette pratique et d'encourager une culture du racisme à travers leurs prêches, qui adhèrent à un discours religieux traditionnel favorable à l'esclavage.
"L'uniformisation du prêche du vendredi et la lecture de ce même texte dans la lutte contre l'esclavage aidera à diffuser une culture de liberté, à consolider les valeurs de justice et d'égalité, et à sensibiliser tous les membres de la société aux dangers de ce phénomène, qui est considéré comme l'un des obstacles majeurs au développement", a ajouté le ministre des Affaires religieuses.
Les militants des droits de l'Homme ont salué ce travail de contrôle des prêches du vendredi et d'organisation des mosquées, estimant que ces efforts aideront à mettre un terme au discours religieux extrémiste que propagent certains imams et les sympathisants d'al-Qaida ou de Daesh.
"Je pense que surveiller les mosquées et empêcher les imams extrémistes de diffuser leur discours radical auprès des citoyens est une étape importante dans la lutte contre le terrorisme intellectuel au nom de la religion", explique Aminetou Mint El Moctar, militante des droits de l'Homme elle-même accusée de kufr par certains religieux radicaux. "Mais il faut aborder cette question avec encore plus de sérieux et de rigueur".
"Certains individus apparaissent régulièrement dans les mosquées, porteurs d'un discours favorable à certains groupes terroristes dans le monde", explique-t-elle à Magharebia. "Ces individus sont susceptibles de mobiliser les gens et de lancer des fatwas accusant de kufr ceux qui s'insurgent contre le terrorisme et appellent à l'égalité. Quand on empêchera effectivement de telles personnes de prendre la parole dans les mosquées, l'intensité de l'extrémisme baissera".
Abdallah Ould Hormatallah, un responsable du parti au pouvoir, souligne quant à lui l'importance d'une uniformisation du prêche du vendredi pour assurer la stabilité et diffuser la tolérance.
"Cette initiative peut stopper ceux qui émettent des fatwas obscurantistes soutenant al-Qaida et Daesh", explique-t-il à Magharebia.
Mohamed Mahfoud, jeune journaliste favorable à cette initiative gouvernementale, exprime toutefois des réserves sur la distribution d'un texte écrit aux mosquées.
"Quand les fidèles auront le sentiment d'écouter un texte écrit, répété tous les vendredis, ils s'ennuieront et ce texte perdra ses qualités de prêche et son effet", dit-il à Magharebia. "Il serait donc préférable de spécifier l'idée, puis de laisser chaque imam s'exprimer à sa manière".
Pour sa part, le jeune activiste et blogueur Ahmed Geddo confie à Magharebia être réservé sur l'idée d'un sermon uniformisé, "parce que le prêche n'est pas une fatwa religieuse".
Il appelle malgré tout à mettre un terme aux activités des imams ou des prédicateurs qui incitent à la violence ou au meurtre.
"Le fait que l'Etat spécifie le contenu des sermons signifie que nous vivons dorénavant dans un Etat religieux, ce qui ouvre la porte à la domestication des gens et à l'exploitation des mosquées au bénéfice des affaires politiques ou de la propagande en faveur du parti au pouvoir", ajoute-t-il.
"Je rejette l'exploitation des mosquées par les mouvements politiques et idéologiques, et par les autorités", conclut-il.
Par Jemal Oumar à Nouakchott pour Magharebia – 17/12/2014