Paraphé le 31 juillet 2014 et valide pour 2 ans, le protocole de pêche liant la Mauritanie à l’Union Européenne (UE) est arrivé à expiration en décembre 2014 au moment même où l’activiste et leader politique, Birame Dah Ould Abeid, lauréat de l’ONU président de l’initiative pour la Résurgence du Mouvement abolitionniste (IRA) est arrêté à Rosso (200 km au sud de Nouakchott) pour incitation à la haine raciale.
Bien avant que le procès ne soit ouvert, l’Union Européenne a exigé la libération immédiate de celui qui était arrivé deuxième lors des dernières presidentielles. Cette clarté de la position européenne tranche avec le voeu de mutisme que s’était volontairement imposé l’UE du temps des accords de pêche “illimités”.
Ce n’est qu’au milieu des années 2000 que la Mauritanie s’est rendue compte du caractère déséquilibré de ces accords qui profitent plus à Las Palmas qu’à Nouadhibou.
Il faut le dire, la montée en force de la dimension environnementale dans ces accords a abouti à une profonde déchirure dans le front européen. Il y a d’un côté les grandes démocraties scandinaves, sensibles aux dégâts des mareyeurs de leurs cousins du sud dans l’environnement de l’aire protégée du Banc d’Arguin, qui sont solidaires aux positions mauritaniennes.
Tout à l’opposé il y a l’Espagne qui fait feu de tout bois et compte arriver un accord sans lequel les chantiers de la Galice et de l’Andalousie vont fermer. Le Portugal qui s’est désengagé et a encaissé la subvention européenne associée n’a plus les moyens de concurrencer les espagnols.
Tout au milieu et jouant à l’équilibrisme, il y a la France, qui ne veut pas froisser Madrid et qui n’entend pas mecontenter son allié sahélien dans la lutte contre le terrorisme.
Quant aux eurocrates de Bruxelles, plus au fait des dossiers que les parlementaires européens, ils n’ont qu’une hantise: devoir indemniser la flotte européenne, c’est à dire Espagnole, au cas où celle-ci n’aurait plus accès à ce qui est devenue pour elle et pour les milliers de pêcheurs une colonie flottante.
C’est dans ce contexte que des syndicats espagnols entendent faire pression sur leurs élus qui eux mêmes feront le nécessaire au parlement de Strasbourg pour la situation des droits de l’homme en Mauritanie. Ainsi, la bévue d’un préfet de province de Rosso va être bien négociée.
Ce qui, dans le fond, ne serait pas mal si cela aboutissait à une prise en compte réelle de la question de l’esclavage, interdit en 1981, criminalisé en 2007 mais, toujours, toléré dans certains milieux.
La mise en place d’un calandrier d’élimination de ces séquelles de l’esclavage, en partenariat avec l’ONU, en mars 2014, est jugée minimaliste par les activistes des droits de l’homme qui n’ont de cesse de présenter des cas patents d’esclavage présumé à la justice mauritanienne laquelle n’a prononcé qu’une seule condamnation.
Néanmoins les lignes bougent. Le récent sermon dicté aux imams sur l’ensemble du territoire national et portant sur l’élimination des séquelles est en soi une révolution.
Le “clergé” mauritanien, conservateur et méfiant des idées venant de l’Occident, a toujours évité ce thème sensible qui trouve même un fondement juridique dans une confusion auto-entretenue de la lecture et de l’interprétation des grands jurisconsultes musulmans.
Bref, espérons que cette question des droits de l’homme ne soit pas une monnaie d’échange dans des négociations qui s’annoncent compliquées. Après le pétrole contre nourriture qui a fait des ravages en Irak, allons-nous imposer aux mauritaniens de livrer la sardine en échange d’un blanc seeing sur les droits de l’homme?
Pour en revenir à l’accord, précisons que les signataires s’étaient heurtés à une divergence d’interprétation sur la date d’entrée en vigueur. Nouakchott défendait comme point de départ le 1er août 2012, jour de la signature, alors que Bruxelles préférait retenir la date de ratification par le parlement européen, intervenue en décembre 2012.
Pour le renouvellement du protocole, les 2 parties ont mené trois (3) rounds de négociations infructueuses. Elles se sont heurtées au montant annuel de la contre partie financière européenne qui était de 114 millions d’euros pour une flotte de 110 navires autorisée à pêcher 300.000 tonnes dans l’accord précédent, rapport auquel Bruxelles réclame une révision à la baisse. Les bateaux composant cette flotte sont essentiellement espagnols.
L’accord 2012/2014 avait été présenté comme «historique car permettant à la fois la satisfaction des besoins européens et la préservation des ressources halieutiques nationales au profit de la pêche artisanale».
A noter que dans les grandes négociagions sur le climat, l’Espagne qui met en avant ses avancées sur l’économie verte reste muette sur les pratiques d’une vieille flotte polluante qui pêche avec des filets souvent non réglementés. A moins que le souci environnemental ne soit pas le même chez les ibères et chez les bougnouls?
Financial Afrik