"Task force" africano-européenne policière et de renseignement, évacuation d'urgence des migrants, commission d'enquête de l’UA. Ce sont les trois axes de la politique anti-esclavagisme en Libye décidée lors du sommet UA-UE qui s’est achevé à Abidjan jeudi.
Après le scandale international né de la diffusion d’images de marché aux esclaves en Libye, l’immigration s’est donc imposée comme le thème majeur du sommet qui réunissait environ 80 chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que 5 000 délégués à Abidjan mercredi 29 et jeudi 30 novembre.
« Task force » pour démanteler les réseaux de trafiquants
Trois décisions ont été prises, a annoncé Emmanuel Macron à l’issue d’une réunion d’urgence de neuf pays sur le sujet. La première est le développement d’une coopération étroite (…) avec une task force (« force d’intervention ») opérationnelle associant les services de police et d’intelligence(…) pour démanteler les réseaux et leur financement », a expliqué le président français, rappelant que les « trafiquants d’être humains » étaient « profondément liés » aux trafiquants d’armes, de drogue et aux mouvements terroristes qui opèrent dans toute la bande sahélo-sahélienne ».
Mais cette force d’intervention n’aura pas vocation à intervenir sur le sol Libyen ; il ne s’agit pas non plus d’une action militaire mais le renforcement d’une coopération internationale pré-existante en vue d’obtenir davantage de résultats sur le sujet de la traite des êtres humains en Libye.
Opérations d’évacuations d’urgence
Les dirigeants se sont également mis d’accord pour mener des « opérations d’évacuation d’urgence dans les prochains jours ou semaines », a ajouté M. Macron. Selon Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’Union africaine, une première vague de rapatriements d’urgence concernant quelque 3 800 migrants africains en Libye doit avoir lieu prochainement.
Majoritairement issus d’Afrique de l’Ouest, ceux-ci ont été recensés dans un camp près de Tripoli, et vivent dans des « conditions inhumaines », a affirmé Moussa Faki Mahamat lors de la conférence de presse finale du 5e sommet Afrique-Europe à Abidjan.
« Mais il ne s’agit que d’un seul camp », a souligné M. Faki, indiquant que « le gouvernement libyen nous a dit qu’il y en 42. Certainement qu’il y en a plus que cela. On parle de 400 000 à 700 000 migrants africains en Libye ». « Il faut d’abord secourir d’urgence ceux qui sont dans cette situation et nous réfléchissons ensemble, Libye, Union européenne, Union africaine, ONU, pour trouver des solutions plus pérennes à cette question de la migration », a-t-il conclu.
Une commission d’enquête de l’UA
« Ce sommet doit être le point de départ d’une action résolue contre cette tragédie » de l’immigration et de ses conséquences, a continué le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki, annonçant la création d’une commission d’enquête de l’Union africaine sur le sujet qui aura pour but, entre autres, de proposer aux Etats des pistes de communication à destination de la jeunesse pour décourager les volontaires au départ.
Lors de l’ouverture du sommet, le président ivoirien Alassane Ouattara avait d’ailleurs appelé les jeunes « à ne pas (se) lancer à l’aventure au péril de (leurs) vies ». De fait 60% de la population africaine a moins de 25 ans, et des centaines de milliers de jeunes désespérés par le chômage, la pauvreté et l’absence de perspectives dans leurs pays – en dépit de taux de croissance enviables pour certains d’entre eux – tentent d’émigrer vers l’Europe chaque année.
« Cela fait des années que nous dénonçons comment les migrants en Libye sont victimes de détention arbitraire, de torture, de viol, d’exploitation », a rappelé Amnesty International appelant les dirigeants africains à « se réveiller ».
Mardi, le président du Parlement européen, Antonio Tajani, avait déclaré vouloir proposer un « plan Marshall » pour le développement de l’Afrique, notamment pour investir massivement dans ses infrastructures.
« Ce ne sont pas des promesses vides qui créeront les 22 millions de nouveaux emplois annuels dont l’Afrique a besoin », a réagi la directrice Afrique de l’ONG ONE (fondée par le chanteur Bono), Rudo Kwaramba-Kayombo. « Les dirigeants de l’UA et de l’UE doivent investir dans le développement à long terme et comprendre qu’en donnant la priorité à l’éducation, l’emploi et l’émancipation des jeunes ».
Par Jeune Afrique avec AFP