Donald Trump a reconnu mercredi Jérusalem comme capitale d'Israël, marquant une rupture spectaculaire avec ses prédécesseurs et ignorant les vives mises en garde des dirigeants de la région, et au-delà, qui redoutent une flambée de violence au Proche-Orient.
Avec cette décision historique qui marquera son mandat, le 45e président des Etats-Unis tient l'une de ses promesses emblématiques de campagne. Mais il s'isole encore un peu plus sur la scène internationale et prend le risque d'anéantir les timides espoirs de reprise des discussions de paix entre Israéliens et Palestiniens.
"Il est temps d'officiellement reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël", a-t-il lancé lors d'une brève allocution depuis la Maison Blanche au cours de laquelle il a insisté sur sa volonté de simplement reconnaître "une réalité".
"Les Etats-Unis restent déterminés à aider à faciliter un accord de paix acceptable pour les deux parties", a-t-il ajouté. "J'ai l'intention de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour aider à sceller un tel accord", a-t-il encore dit au pupitre, debout devant un portrait de George Washington.
Défendant une décision qui aurait du être prise "depuis longtemps", M. Trump a aussi égratigné ses prédécesseurs qui "n'ont pas fait ce qu'ils avaient dit", peut-être selon lui par manque de "courage".
Toute reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël est un casus belli pour les dirigeants palestiniens, qui revendiquent Jérusalem-Est, occupée puis annexée par Israël, comme la capitale de l'Etat auquel ils aspirent.
Avant même son discours, des dirigeants du monde entier avaient appelé le locataire de la Maison Blanche à peser ses mots et mesurer les conséquences de ses actes, tant Jérusalem est un chaudron diplomatique.
- 'Profonde inquiétude' du pape -
"Je ne peux taire ma profonde inquiétude", a déclaré le pape François qui ne peut qu'accorder un intérêt tout particulier à la ville qui abrite les lieux les plus saints de trois grandes religions monothéistes, y compris le Saint-Sépulcre.
"J'adresse un appel vibrant pour que tous s'engagent à respecter le statu quo de la ville, en conformité avec les résolutions pertinentes de l'ONU", ajouté le souverain pontife.
L'Iran, bête noire de M. Trump, ne s'est pas privé de pincer la corde religieuse, en déclarant qu'il ne tolérerait pas "une violation des lieux saints musulmans".
Les groupes palestiniens ont appelé à trois "jours de rage". Dans la bande de Gaza, des centaines de Palestiniens en colère ont brûlé des drapeaux américains et israéliens et des portraits de Donald Trump. Un rassemblement est prévu jeudi à Ramallah en Cisjordanie, territoire occupé par l'armée israélienne depuis 50 ans.
M. Trump a par ailleurs ordonné de préparer le transfert de l'ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, sans fixer de calendrier pour ce déménagement qui devrait prendre des années.
L'Autorité palestinienne, interlocutrice des Etats-Unis, d'Israël et de la communauté internationale, avait prévenu par avance que si une telle décision était annoncée, Washington se discréditerait comme intermédiaire impartial de toute entreprise de paix. Et que les efforts en ce sens du gendre et conseilleur de Donald Trump, Jared Kushner, seraient considérés comme terminés.
La communauté internationale n'a jamais reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël et considère Jérusalem-Est comme un territoire occupé. Israël proclame tout Jérusalem, Ouest et Est, comme sa capitale "éternelle et indivisible".
Dans un apparent souci d'apaiser les Palestiniens, la Maison Blanche s'est dite prête à soutenir "une solution à deux Etats", a souligné la Maison Blanche.
A la grande frustration des Palestiniens, le président des Etats-Unis s'est jusqu'ici gardé d'adhérer à l'idée d'un Etat palestinien indépendant, solution référence de la communauté internationale.
- 'Incendie' régional -
"L'avenir de Jérusalem est quelque chose qui doit être négocié avec Israël et les Palestiniens assis côte à côte", a dit l'envoyé spécial de l'ONU au Proche-Orient, Nickolay Mladenov depuis Jérusalem, alors que les négociations de paix sont suspendues depuis 2014.
Alors que chacun guettait sa réaction, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est au contraire resté silencieux sur le sujet lors de son discours durant la même conférence.
M. Netanyahu, à la tête du gouvernement considéré comme le plus à droite de l'histoire d'Israël, a aussi, selon les médias, ordonné la discrétion à ses ministres pour ne pas attiser les tensions.
Plusieurs d'entre eux ont cependant salué l'augure, tel le ministre de l'Education Naftali Bennett qui a appelé d'autres pays à emboîter le pas aux Etats-Unis. Pour lui, la décision à venir de M. Trump "constitue un pas spectaculaire vers la paix".
Le ministre américain des Affaires étrangères Rex Tillerson a de son côté assuré que M. Trump restait "très engagé en faveur du processus de paix". "Nous continuons de croire qu'il y a une très bonne opportunité de faire la paix".
Le roi Salmane d'Arabie saoudite, grand allié de Washington, a prévenu qu'une telle décision risquait de provoquer "la colère des musulmans" et la Turquie a brandi le spectre d'un "incendie" régional en jugeant qu'une reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël "ferait le jeu des groupes terroristes".
Le président turc Recep Tayyip Erdogan veut réunir un sommet des dirigeants des principaux pays musulmans le 13 décembre à Istanbul. Une réunion d'urgence de la Ligue arabe pourrait avoir lieu samedi.
La Chine, le Royaume-Uni et le Pakistan ont joint leur voix au concert de réprobation.
AFP