L’insécurité au Mali « continue à se développer et gagne de façon progressive le centre du pays », affirme un rapport intermédiaire de l’ONU vendredi 2 mars, en précisant que plusieurs signataires de l’accord politique de 2015 reconnaissent perdre de leurs pouvoirs.
Des représentants des groupes armées Plateforme et CMA (Coordination du mouvement de l’Azawad) ont constaté un « déclin progressif de leur influence dans des zones qui étaient traditionnellement sous leur contrôle direct ou indirect », précise ce rapport d’experts onusiens, remis aux 15 membres du Conseil de sécurité et auquel l’AFP a eu accès. « De telles pertes de contrôle territorial, ajoutées à une fragmentation croissante des groupes armés en fonction de leurs ethnies, et en conséquence le développement de groupes armés non-signataires, représentent aujourd’hui la plus grande menace à l’application de l’accord » d’Alger de 2015, jugent ces experts.
Ces spécialistes sont chargés du régime de sanctions relatif au Mali institué l’été dernier par l’ONU afin de faire pression sur les signataires de l’accord de 2015, dont l’exécutif malien, pour qu’ils appliquent leurs engagements. A ce jour, aucune sanction contre un individu ou une entité n’a été prise et les experts n’en recommandent pas dans leur document intermédiaire.
Selon un diplomate s’exprimant sous couvert d’anonymat, le groupe d’experts « juge que toutes les parties sont responsables des retards actuels » à l’application de l’accord. Mais qu’à ce stade, « le processus n’est pas bloqué à un point où aucune avancée ne pourrait plus être réalisée », estime la même source. Le rapport final de ces experts est attendu d’ici au 1er septembre.
Leur document intermédiaire souligne aussi que la montée en puissance de la force multinationale antidjihadiste G5-Sahel (Mali, Burkina, Niger, Tchad et Mauritanie) va de pair avec des « menaces terroristes croissantes de l’Etat islamique dans le Grand Sahara (ISGS) et de Ansar al-islam », notamment dans la région frontalière entre le Burkina-Faso le Mali et le Niger.
Cette région est le cœur d’action de la force G5-Sahel en cours de création. Vendredi, un attentat à la voiture piégée avait ensanglanté Ouagadougou et visait « peut-être »une réunion militaire du G5-Sahel, selon le ministre burkinabé de la Sécurité, Clément Sawadogo.
En dépit de l’accord de 2015, « la situation humanitaire dans le nord et le centre du pays reste volatile, instable et une détérioration continue persiste », ajoute le texte.
« A travers le pays, environ 4,1 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire», indiquent enfin les experts, qui prévoient dans les prochaines semaines de se rendre en Europe (Paris, Bruxelles, La Haye), avant un nouveau voyage au Mali et ultérieurement à Alger, Dakar, Niamey et Nouakchott.
A signaler que l’enquête sur la double attaque de Ouagadougou le vendredi 2 mars progresse. Dimanche, deux djihadistes présumés dont un soupçonné d’avoir joué un rôle clé était entendu par la justice du Burkina Faso qui soupçonne des complicités dans l’armée.
Les attaques ont fait huit morts et plus de 80 blessés parmi les forces de sécurité, ainsi que neuf djihadistes tués, selon un dernier bilan. D’autres assaillants « djihadistes ont peut-être pu s’enfuir » après l’attaque de l’état-major, situé dans le quartier très fréquenté du grand marché de Ouagadougou, selon la source gouvernementale.
Les autorités ont de « très forts soupçons » qu’il y ait « des infiltrés dans l’armée » qui ont renseigné les djihadistes pour l’attaque de l’état-major, a ajouté la source burkinabè.
La coalition djihadiste « Nusrat al-Islam Wal Muslimin » (« Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans »), dirigée par Iyad Ag Ghali a revendiqué la double attaque. C’est par un message adressé au site d’information mauritanien ANI que Nusrat al-Islam Wal Muslimin (« Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans »), indique avoir agi « en représailles à la mort de ses leaders », tués dans des opérations menées par Barkhane.
Ce groupe djihadiste, qui rassemble Ansar Eddine, Al Mourabitoune ainsi que la Katiba Macina avait revendiqué l’attaque de juin dernier contre l’écolodge Kangaba, près de Bamako au cours de laquelle trois militaires, deux civils et trois assaillants avaient péri. Mi-février, l’état-major des armées françaises et les Forces armées maliennes (FAMA), ont en effet affirmé avoir tué ou capturé une vingtaine de combattants présumés d’Ansar Eddine lors d’une opération menée par les forces françaises dans la nuit du 13 au 14 février « entre Boughessa et Tinzaouatène », dans le nord-est du pays, près de la frontière entre le Mali et l’Algérie.
Parmi les victimes, Malick Ag Wanasnat, considéré comme l’un des bras droit d’Iyad Ag Ghali, chef d’Ansar Eddine et du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. L’ex-colonel malien devenu un allié des groupes armés qui avait fait défection en 2006 en pillant un magasin d’armement à Ménaka, dans le nord-est du pays.
Autre proche de Iyad Ag Ghali tué dans un raid de l’opération française Barkhane : Mohamed Hacen al-Ançari.
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