La victoire du parti « Pastef » était attendue, mais son large ratissage avec ce taux inédit au Sénégal a dépassé toutes les prévisions.
Le contexte des élections anticipées au Sénégal, leurs résultats, ainsi que les connotations et messages dudit raz-de-marée du Pastef constituent cette semaine les angles de concentration de Zoom Essahraa.
« «
Quel contexte
Le parti "Pastef", dirigé par le duo actuel au pouvoir, Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, a pris le pouvoir au Sénégal au début de cette année dans des circonstances houleuses :
Après des tentatives de l'ancien président Macky Sall de briguer un troisième mandat qui se sont heurtées à un large rejet de la part de la classe politique.
Egalement après des tentatives de report des élections catégoriquement rejetées par le Conseil constitutionnel.
Après des amendements faits aux candidatures et alliances avec comme arrière-plan une tentative d'empêcher Sonko d'accéder à la Présidence de la République, mais dont le résultat final a été son arrivée plus fort qu'il ne l'avait rêvé et peut-être espéré lui-même.
Le "Pastef" a pris le pouvoir dans une double combinaison dans laquelle les deuxième et premier hommes du parti assument la présidence tour à tour du Palais et de la Primature. Il s'agit d'une combinaison sur laquelle beaucoup avaient misé et parient qu'elle pourrait rencontrer des problèmes d’harmonie, sans que ces pressentiments aient lieu jusqu’à présent.
Le duo a commencé à exercer le pouvoir, affichant un mélange de calme (Bassirou) et de rigueur et de révolution (Sonko), alors que la rue sénégalaise a continué à miser sur eux, notamment sur le discours de rupture que Sonko a évoqué comme slogan de son gouvernement.
Lorsque la quarantaine légale concernant la dissolution du Parlement a pris fin, le parti au pouvoir a décidé de mettre à l'épreuve l'Assemblée nationale, dans laquelle l'ancien président disposait d'une majorité limitée, proposant des amendements fondamentaux qui incluent la suppression d'institutions, dont le Conseil économique et social, objet d’un refus des députés, menant alors vers la dissolution et la tenue d'élections anticipées.
"""
Campagne houleuse
C'est dans ce contexte qu'a été lancée la campagne électorale, qui s'inscrit clairement dans la continuité des élections présidentielles :
Pour l'équipe perdante aux élections présidentielles, ses leaders voulaient que ce soit une occasion de revanche, ou à tout le moins, une position sur la scène qui garantirait la direction d'une forte opposition au Pastef, dont ils considèrent le président Ousmane Sonko, comme un leader populiste porteur des gènes de gouvernance unilatérale.
Quant au Pastef, il considère ces échéances comme étant une date pour achever le mandat populaire pour le projet de changement radical que proposent les « Sonkosistes » depuis plus d’une décennie.
La campagne a commencé par des discours normaux, mais elle s'est rapidement transformée en une campagne d'échanges vifs entre les deux parties, notamment lorsque le Premier ministre a accusé l'ancien pouvoir de poursuivre ses pratiques avant de quitter le gouvernement, avertissant le président et le ministre de l'Intérieur de pas ignorer cela et annonçant l’activation de la loi de Talion « dent pour dent », qu’il a utilisée lorsqu’il était à la tête de l’opposition.
Le discours de Sonko, considéré comme un écart sans précédent par rapport aux règles, a été qualifié par ses rivaux comme une occasion de souligner ce qu'ils ont appelé des tendances autoritaires du Premier ministre. Toutefois Sonko a trouvé dans la confrontation une opportunité pour réactiver les noyaux de rejet dans les âmes de la jeunesse sénégalaise, mobilisant ses partisans pour achever leur soulèvement afin de fortifier la rupture.
""
Messages du ratissage
La campagne s’est terminée et le jour promis est arrivé, le 17 novembre, lorsque les urnes ont annoncé des résultats que les observateurs de la scène politique sénégalaise considéraient comme un « mandat » pour Sonko pour mettre en œuvre son programme sans obstacles, et freiner les ambitions de l’ancien président Macky Sall et Abdoulaye Wade sur le devant de la scène politique.
Pastef 131 parlementaires sur 165
Le parti de l'ancien Président Macky Sall compte 16 députés
Le parti de l'ancien Premier ministre et candidat à la présidentielle de l'ancienne alliance présidentielle, Amadou Ba 7 députés.
Le parti du Maire de Dakar Barthélémy Dias, 3 parlementaires
Le reste est réparti à raison d'un député par groupe politique.
Ce large ratissage véhicule des messages à multiples facettes ;
Il dit à Sonko et à sa coalition que les Sénégalais attendent ses promesses de rupture et ne veulent pas que quiconque se mette en travers de son chemin.
Ils brandissent ainsi un drapeau rouge face aux tentatives de retour des politiques traditionnels (Macky, Wade, et forcément ceux qui les ont précédés et ceux qui sont venus après eux)
Cela donne un signal vert pour suivre une approche stricte dans la lutte contre la corruption, la révision des contrats avec les puissances étrangères et la libération de la mainmise occidentale.
Mais les résultats portent un signe de « danger » pour l'avenir des relations entre le duo au pouvoir, Sonko et Bassirou. Les propos du Premier ministre sur le président pendant la campagne étaient - selon beaucoup - hors des normes et constituent une violation des habitudes politiques.
Ce qui fait de l’harmonie entre les deux hommes, l’un des plus importants facteurs d’influence attendue sur la scène sénégalaise dans les prochains mois.