
Il n’y a pas de voix plus forte que celles qui parlent du dossier migratoire et de ses répercussions réelles ou prévisibles. C'est le sujet de conversation autant des voisins du nord que du sud, autour duquel, le débat et la discussion font rage sur les réseaux sociaux.
Zoom Essahraa suit au fur et à mesure le rythme du dossier de l'immigration et ses promenades entre tous ces stades.
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La goutte d'eau qui a fait déborder le vase
Dans un environnement qui connaît depuis des années des crises enchevêtrées, la question de l’immigration représente l’un des principaux titres des conséquences de ces crises et de l’état d’échec auquel sont parvenus plusieurs pays de la région :
Il s’agit en premier d’un problème pour les pays « d’origine » dans la mesure où il épuise leurs ressources humaines et traduit le sentiment de leurs citoyens qu’il n’y a aucun espoir de résoudre leurs difficiles problèmes.
C'est également une source d'inquiétude pour les pays de « transit », qui craignent l’installation des migrants sur leur territoire d’une part et les répercussions sécuritaires que cela implique d’autre part, ainsi que la pression sur les conditions des Etats, dont un certain nombre est au bord de la faillite.
C’est enfin un facteur de psychose pour les pays de destination où domine l’extrême droite, qui déclare ouvertement sa xénophobie pour les immigrés, les qualifiant de bombe à retardement, voyant les pirogues de la mort qui les transportent, comme s’il s’agissait de bateaux d’invasion armés auxquels il faut faire face et résister.
Ici en Mauritanie, qui se situe dans le premier et le deuxième cercle (pays de transit et source d'immigration de second degré avant tout), le dossier évolue rapidement depuis des mois, puisque :
- La Mauritanie a signé des accords avec les Européens pour bénéficier de fonds importants afin de contrôler les frontières (les opposants qualifient ces accords comme une mission visant à assurer la surveillance des frontières de l'Europe).
- Des lois ont été promulguées pour imposer des sanctions plus sévères aux immigrants illégaux.
- Des campagnes ont été lancées pour expulser un certain nombre d’immigrants vers leur pays d’origine.
- les déclarations du président des îles Canaries, dans lesquelles il a annoncé deux sujets extrêmement sensibles avaient été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Ces affirmations du président de l’Archipel sont :
-Le nombre d'immigrés dans la seule capitale est d'un demi-million.
-Les Européens ne tiennent pas leurs promesses envers la Mauritanie.
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Dans le stade des « réseaux sociaux »
Les déclarations du responsable canarien ont tiré la balle dans l’autre camp, plus chaud le plus fluide à la fois, à savoir celui des médias sociaux.
Primo : des voix se sont élevées pour alerter sur le nombre d'immigrants et exiger leur expulsion immédiate et complète.
Secondo : des sonnettes d’alarme avaient été tirées contre ces appels, mettant en garde contre les répercussions de la mesure sur les communautés mauritaniennes expatriées dans les pays voisins du sud et contre l’éventualité d’un dérapage dans les profondeurs des problèmes locaux.
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Au stade gouvernemental :
La réponse du gouvernement a pris plusieurs sens :
Mise en œuvre de campagnes d'inspection et d'expulsion (il n'existe pas de données détaillées, mais certaines sources parlent de rapatriement au cours des dernières semaines)
Rappelant des antécédents des campagnes pour confirmer son engagement envers les lois et les obligations (le porte-parole du gouvernement a déclaré l’entrée 170 000 personnes dans le pays en 2023 dont seulement 7 000 avaient demandé le séjour)
Prise de contact avec avec les ambassadeurs puis les ministres des pays voisins du Sud (Sénégal, Mali, Côte d'Ivoire, Gambie)
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Où s’immobilisera la balle ?
Les indicateurs de la circulation de la balle dans les réseaux sociaux au niveau national et dans les pays voisins et les nouvelles en provenance de la frontière mauritano-malienne ainsi que les fuites de communications diplomatiques s’accordent tous sur la gravité extrême des répercussions du dossier de l'immigration au cours de la période à venir. Ce qui est censé conduire à l’adoption d’une vision claire et rapide consistant :
A préserver et maintenir la quiétude nationale.
A tenir compte des exigences des lois et accords internationaux.
A prendre en considération les intérêts des communautés mauritaniennes importantes et influentes dans les pays voisins.
C’est une approche qui, bien que facile à imaginer, est aussi difficile eu égard aux contraintes suivantes :
Dans les pays d'origine, des voix commencent à s'élever pour alerter sur la complexité du dossier.
Les Européens, comme l'a déclaré l’un de leurs responsables, ne respectent pas leurs engagements.
L’opinion publique locale est profondément divisée entre ceux qui voient dans ce dossier une menace démographique imminente, n’entrevoyant aucune alternative à la déportation, à la confrontation et à la fermeture des frontières, d’une part, et ceux qui mettent en garde contre des campagnes d'incitation et de haine contre les étrangers, d’autre pas, les qualifiant de menace directe pour les communautés à l’étranger et un danger potentiel pour une unité nationale alourdie par les problèmes et les souvenirs douloureux.
En conclusion, il semble que la question de l’immigration et de ses déplacements entre les stades se dirige vers un traçage de la carte de l'agenda national au cours des prochaines semaines et peut-être des prochains mois, d'autant plus que la confusion continue de rendre difficile toute possibilité de cerner avec clarté les limites des règles du jeu, les agendas et les lignes de déplacement.