Le président turc Recep Tayyip Erdogan entame, mercredi 25 juillet, une tournée qui le conduit en Afrique du Sud et en Zambie. Il confirme l’intérêt de son pays pour le continent africain, un vaste marché où ses dérives autoritaires ne sont pas critiquées.
Pour l’un de ses premiers voyages depuis sa réélection, le 24 juin, Recep Tayyip Erdogan se rend en Afrique du Sud du mercredi 25 au vendredi 27 juillet, puis en Zambie samedi 28 juillet.
La liste des pays d’Afrique que Recep Tayyip Erdogan n’a pas visités est courte. En quinze ans de pouvoir, le président turc a multiplié les tournées sur le continent. En février dernier encore, il y enchaînait les étapes : Algérie d’abord, puis Sénégal, Mauritanie et, enfin, Mali. Deux ans plus tôt, il passait par la Côte d’Ivoire et le Nigeria. Auparavant encore, il atterrissait au Tchad et au Soudan.
Sommet des Brics
Cette fois-ci, pour l’un de ses premiers voyages depuis sa réélection, le 24 juin, c’est l’Afrique australe que Recep Tayyip Erdogan a choisie : il se rend en Afrique du Sud du mercredi 25 au vendredi 27 juillet, puis en Zambie samedi 28 juillet. Une première pour l’homme fort d’Ankara, qui n’a jamais mis un pied dans ce pays voisin du Zimbabwe. Mais il a rencontré son président, Edgar Chagwa Lungu, au début du mois. Ce dernier avait alors fait le déplacement à pour son investiture.
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En Afrique du Sud, Recep Tayyip Erdogan doit participer au 10e sommet des Brics. La Turquie n’appartient pas à ce groupe de cinq puissances émergentes – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud. Mais il a été invité à y participer au titre de la présidence turque de l’Organisation de la coopération islamique (OCI).
Puis en Zambie, Recep Tayyip Erdogan doit rencontrer son homologue pour « des échanges de vues sur les dossiers régionaux et internationaux ».
41 ambassades turques en Afrique
En quinze ans, la Turquie a fait de l’Afrique un terrain favori de sa diplomatie et du développement de sa puissance économique. « L’Europe a toujours été en haut de l’agenda de la Turquie mais, dans les années 1990, elle a voulu diversifier ses partenaires pour des raisons essentiellement économiques, pour trouver des nouveaux marchés », explique Elem Eyrice, docteure en relations internationales, spécialiste des relations entre la Turquie et l’Afrique et professeur à l’université Yasar, à Izmir. Un « plan d’action » en Afrique a ainsi été adopté en 1998, permettant Ankara de multiplier les ouvertures d’ambassades sur le continent : elles sont au nombre de 41 aujourd’hui, contre neuf en 2003.
Cette priorité a été maintes fois réaffirmée. Après avoir fait de 2005 « l’année de l’Afrique », la Turquie a organisé, en 2008, le premier « sommet de coopération Turquie Afrique ». Sa dernière édition, en 2014, s’est tenue en Guinée Équatoriale et la prochaine, en 2019, est censée avoir lieu en Turquie. Santé, sécurité, développement… l’énumération des chapitres de ce « partenariat » est longue.
Il se traduit aussi en espèces sonnantes et trébuchantes : le volume du commerce entre la Turquie est l’Afrique, de près de 20 milliards d’euros en 2015, a triplé en quinze ans. Et s’appuie sur l’extension de la toile de Turkish Airlines : la compagnie nationale dessert désormais 48 destinations dans plus de trente pays.
Un réseau dont les Africains saluent eux-mêmes l’existence en l’absence de compagnie panafricaine. « Turkish Airlines est un élément très important de la crédibilité de la Turquie en Afrique », analyse Elem Eyrice. Une crédibilité qui tient aussi à l’aide au développement directe qu’Ankara apporte dans certains pays – en Somalie notamment.
Terrain presque vierge
Aussi, de Johannesburg à Alger, Recep Tayyip Erdogan peut compter sur un écho favorable lorsqu’il joue le rôle, qu’il affectionne, de défenseur des Nations méprisées par l’Occident et son impérialisme. « Comme Ankara, le Nigeria ou l’Afrique du Sud en appellent à une réforme des Nations unies (afin d’y avoir plus de poids, NDLR), rappelle Elem Eyrice. Il y a une vision commune et un intérêt commun entre l’Afrique et la Turquie. »
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L’Afrique, contrairement à l’Europe et au Moyen-Orient, a aussi le mérite de représenter un terrain diplomatique quasiment dépourvu d’obstacles pour le gouvernement turc. « C’est l’un des seuls terrains où il n’y a pas de gros enjeu », relève Elem Eyrice.
La question kurde, qui guide en partie la diplomatie d’Ankara au Moyen-Orient, ne constitue pas un enjeu en Afrique. En vertu d’une règle de non-interférence dans la politique intérieure respectée de part et d’autre, chacun y ayant intérêt, les dérives autoritaires turques n’y sont pas non plus montrées du doigt comme elles peuvent l’être en Europe. Peut-être au sommet des Brics, Recep Tayyip Erdogan parlera-t-il toutefois de Syrie avec Vladimir Poutine. Qui, lui aussi, respectera à coup sûr cette règle de non-interférence dans la politique intérieure de son vis-à-vis.
Marianne Meunier
la-croix.com