L’arrivée au pouvoir du Président Mohamed ould Cheikh Elghazouani a incontestablement instauré un climat d’apaisement , d’ouverture et de concertation , salué par tous. Mais la première année d’exercice de pouvoir à peine écoulée , des voix se sont élevées pour réclamer un dialogue national, pour prétendaient-elles sortir le pays de la crise politique qu’il traverse. la majorité de l’opinion, quant à elle, plus ou moins satisfaite de l’action politique du pouvoir et des incidences positives de ses programmes sociaux et de développement, préfère parler de concertation. Le Président, dans la droite ligne de sa politique d’ouverture a promis une large concertation où toutes les questions seront abordées, sans restrictions ni tabous.
Pour une fois encore l’opposition obtient ce qu’elle a toujours brandi comme panacée: le dialogue. Le conduira-t-elle avec doigté ou cèdera-t-elle à ses traditionnelles tendances jusqu’au-boutistes et parfois même irraisonnées ?
Nous pensons que l’ensemble des acteurs politiques doit saisir cette occasion pour mener une réflexion approfondie sur les voies et moyens pour sortir le pays du sous-développent, de la dépendance économique et de la précarité.
L’attention doit se focaliser sur ce thème majeur dont dépendent tous nos rêves d’émancipation, de réussite et de bonheur. Rien n’est plus touchant que de voir des milliers de nos diplômés se bousculer pour disputer vingt postes de contrôleurs de jardins d’enfants. Proposez nous donc des politiques capables de lancer de grands projets agricoles ou industriels à même de résorber le chômage et créer la richesse. L’aide et l’assistance sociale permettent de répondre à des situations d’urgence, ce sont en quelque sorte des calmants qui ne peuvent compenser les remèdes véritables. Il faut œuvrer à ouvrir des champs d’activité partout, dans les villes et les campagnes et orienter les masses vers le travail et la production. Inspirons nous des pays qui ont su décoller, apprenons et profitons de leur expérience.
Ainsi seulement nous sortirons de notre léthargie et de l’état de défiance et de suspicions qui règne dans les rangs de notre peuple où chaque groupe considère l’autre responsable de son infortune.
C’est là, tout ou moins un thème consensuel où chacun peut apporter le meilleur de ses pensées sans heurter les susceptibilités de l’autre, il y a bien d’autres aussi essentiels et moins polémiques sur lesquels doit porter le débat . Je pense par exemple au mode d’organisation des élections et aux dispositions à prendre pour garantir la transparence.
Je pense aussi aux contraintes imposées aux candidats qui même s’ils sont par option indépendants sont obligés de s’affilier provisoirement à un parti pour jouir de leur droit à être candidat.
J’ai cependant le pressentiment que les débats finiront par déraper et s’engager sur les sentiers battus où règne en maitre l’esprit de chapelle et les considérations partisanes. Les vieux thèmes combien galvaudés risquent de nouveau d’être mis en avant, polluant l’atmosphère et suscitant méfiance et crispation.
Le dialogue risquera alors de tourner court. En effet que peut-on attendre de nouveau sur les vieilles questions du passif humanitaire, des langues nationales, de l’état civil…etc. Nous assisterons au mieux à un dialogue de sourds ou les protagonistes bravant de rage reprendront les sempiternels arguments contradictoires.
- Le passif humanitaire est un vieux dossier qui a retenu, pendant longtemps, l’attention nationale et internationale pour enfin connaitre un dénouement à la convenance de toutes les parties concernées. C’est un épisode douloureux, un accident de parcours comme il en existe dans la vie de toutes les nations et toutes ont eu assez de magnanimité pour le dépasser. Il peut être utile de rappeler que dans cet épisode les martyrs ne sont pas d’un seul coté et que à coté du passif humanitaire reconnu, il y a un autre qui a été tout bonnement occulté, enfoui et pour une grande partie de l’opinion oublié.
- A propos des langues nationales, elles méritent reconnaissance et promotion. En Mauritanie elles profitent du même égard et du même traitement que partout ailleurs en Afrique.
Cependant elles ne doivent pas servir de paravent pour assurer, dans le pays une position hégémonique à la langue du colonisateur, sous prétexte qu’elle sert de langue d’ouverture.
C’est oublier que le degré de présence de la langue arabe sur le plan international dépasse de loin celui de la langue française qui perd du terrain partout, et en France même, face à l’anglais.
- La question de l’état civil est une question particulièrement sensible. La Mauritanie par sa position géographique est devenue un couloir pour l’émigration clandestine allant de l’Afrique de l’ouest vers l’Europe. Par la force des choses tous les recalés de la traversée de la Méditerranée en Mauritanie cherchent à se faire enrôler comme nationaux. Ce phénomène s’il n’est pas endigué est d’une extrême gravité pour l’avenir du pays.
Baisser la garde face à l’infiltration envahissante des émigrés est un acte suicidaire, c’est pourquoi il est impérieux pour tout mauritanien de justifier son identité par une filiation prouvée, une domiciliation remontant dans le temps et un tissu de relations sociales vérifiables.
Au moment où les grandes nations de l’Europe et du monde dressent des murailles pour se protéger des assauts des flux migratoires, on ne peut que s’étonner de l’irritation souvent exprimée par certains chefs de partis devant la prudence des agents de l’état civil.
Ce sont là, quelques remarques formulées à la veille du dialogue national. L’évènement ne doit laisser personne indifférent.
Professeur Abderrahmane Sidi Hamoud