Opinion : Communication du Président de Covire KANE Mamadou El Housseïn à Génève

Le Groupe des Organisations Mauritaniennes de Défense des Droits Humains (GOMDDH) a soumis un rapport alternatif en septembre 2017, lors de la 62ème session du comité contre la torture du 06 novembre au 06 décembre 2017. L’examen de ce rapport a donné l’occasion à la Mauritanie de répondre sur certaines questions qui ont été soulevées dans ce rapport alternatif.  Dans cette présente allocution, je reviens sur certains aspects des réponses apportées par l’Etat partie et des violations postérieures à l’examen de  ces rapports qui attestent  de la persistance et de la situation préoccupante des violations des droits humains en Mauritanie.

 

La lutte contre l’impunité des exécutions extrajudiciaires en Mauritanie  et de nombreux cas de pratique de la torture par les agents d’application de la loi dans tous les lieux de privation de liberté, exposent les défenseurs des droits humains et les victimes à de graves situations de vulnérabilité, de répression  et de fortes pressions .

 

La loi d’amnistie 93-23 du 14 juin 1993, est toujours branlée comme épée de Damoclès contre toute action judiciaire des auteurs de crimes de génocide perpétrés en Mauritanie des années 80 et 90. Hors, cette loi  est anticonstitutionnelle, en vue des amendements de 2012, et contraire aux dispositions de la loi contre la torture 2015-033 .Le traitement accordé par le pouvoir actuel au règlement du génocide contre des négro-mauritaniens dans les années 80 et 90, s’est dévié des normes internationales standards de la justice transitionnelle. Ce règlement n’a pris en compte que partiellement les devoirs de réparation et de mémoire, et a exclu les devoirs de  vérité et de justice. L’interdépendance de tous les droits fait, qu’il est  impossible de parler de mémoire sans le droit de savoir sur les crimes, et de réparation sans le droit à la justice pour les victimes. Le Collectif des Victimes de la Répression (COVIRE) auquel qui connaissait son unité jusqu’en 2012, date de la scission, se dit trahi par le pouvoir en place et n’a jamais pris connaissance de l’accord cadre et du protocole d’accord, qu’on lui a collé comme signataire, qui disant, clos le règlement du génocide. En solidarité à la Coordination COVIRE, nous dénonçons, cette allégation du pouvoir que le collectif COVIRE a signé un protocole d’accord par lequel, les victimes ont été indemnisées et en contrepartie ont accepté de pardonner les bourreaux.

 

Les interdictions de manifestations dans les places publiques et dans les hôtels, les conférences, les pèlerinages et commémorations sur la mémoire des martyrs    qui évoquent les graves violations des droits humains en Mauritanie, sont systématiquement interdits et les auteurs arbitrairement arrêtés, torturés et soumis à des contrôles judicaires et des interdictions de voyage.

 

Ces atteintes de violations aux droits fondamentaux des droits humains, sont corroborés par les arrestations à Kaédi, le 28 Novembre 2017, des veuves et orphelins(Maimouna Alpha sy , Aissata Diallo, Salimata Demba Gaye, Bocar Daouda Gueye, Moussa Farba Sarr), qui sont interdites de voyager le dimanche 22 juillet pour participer à cette 64ème session du comité contre la torture, la découverte le 29 Mars 2018 par des orpailleurs d’une fosse commune à Benamira  à soixante cinq kilomètres de Choum dans le nord pour laquelle les autorités opposent un déni et refus d’apporter une clarification, l’affaire du  colonel à la retraite  de la Garde nationale-Oumar Ould Beibacar pour avoir animer une conférence le 28 novembre 2015 a été arrêté puis placé sous contrôle judiciaire en plus de la confiscation de son passeport .

Un blogueur mauritanien , Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir, arrêté en janvier 2014 puis condamné à mort pour apostasie après avoir publié dans les réseaux sociaux, décrivant  l’utilisation par certains de ses compatriotes de la religion pour légitimer la discrimination fondée sur les castes. En novembre 2017, la peine de Mkhaitir a été commuée par la cour d’appel de Nouadhibou en une peine de prison de deux ans, ce qui devait avoir pour conséquence sa libération, parce qu’ayant déjà purgé sa peine. Mais, ce dernier reste toujours séquestré par les autorités judiciaires. Le comité contre la torture doit mobiliser la communauté internationale pour libérer le jeune blogueur Mkhaitir.

Les cas en justice connus sous l’appellation  affaire  de Mohamed Ould Bouamatou et consort, est révélateur de l’instrumentalisation de  la justice, qui, par le rejet des amendements constitutionnels par le Sénat en Novembre  2016. Le  Sénateur Mohamed ould Ghadda  croupit depuis plus de sept mois en prison, sans jugement et avec, pour seul tort, d’avoir voté contre les amendements constitutionnels et la mise arbitraire sous contrôle judiciaire de sénateurs, de journalistes et de syndicalistes ; l’émission de mandats d’arrêts internationaux à l’encontre d’hommes d’affaires en exil pour leurs opinions politiques. 

Beaucoup de cas torture et de mauvais traitements portés à la connaissance des autorités judiciaires, sécuritaires, administratives ou devant les juridictions sont restées sans enquêtes indépendantes. Cette situation est justifiée dans le traitement des dossiers relatifs à l’arrestation le 10 avril 2017 de 19 ressortissants des localités de Kéké I-II et III soumis à des tortures cruelles qui les ont amené à reconnaitre de fausses accusations de meurtre- retrouvé finalement à travers des échanges par les téléphonies mobiles, atteinte à la liberté d’expression d’un Hartini Abdallah Salem ould Yali –suite à une publication dans les réseaux sociaux d’écrits traités par les autorités d’incitation à la haine raciale- victime d’arrestation arbitraire soumis sauvagement à des  tortures, la mort suspecte du jeune de trente cinq ans Mohamed ould Brahim- retrouvé entre les mains des agents d’exécution de la loi- disant que la mort est provoquée suite à une crise cardiaque, des témoignages de torture et de traitement cruels de deux militants IRA-Mauritanie Moussa Bilal Biram et Abdallah Maouloud Salek libérés tout récemment après deux ans de prison à Bir moghrein à 1200 km de la capitale, arrêtés et sauvagement torturés laissant des marques indélébiles sur les corps- d’un militaire révoqué pour troubles mentaux El Haiba ould Cheikh Bouya et Brahim ould Meissara sur la base d’accusation de vol d’un montant de dix mille six cent Ouguyas d’un commerçant de la ville .

 

Ces cas énumérés non exhaustifs sont aggravés par les violences quotidiennes et permanentes et les meurtres à l’égard des femmes,  des femmes prisonnières (gardées par des hommes), des habitantes des quartiers périphériques pauvres (gazra) et les femmes esclaves. Ce tableau critique devient une logique permanente marquée par la culture de l’impunité que l’Etat entretient insidieusement qui rappelle les tueries extrajudiciaires des années 90, le meurtre de Lamine Mangane en 2011, les tortures à l’égard des étudiants en 2012 dont le cas de Bakari Bathiély Secrétaire Général du Syndicat National des Etudiants mauritaniens SNEM) – handicapé- machoire déplacée- suite à des tortures-exilé hors du pays depuis lors, etc.

 

Cette panoplie de violations graves des droits humains trouve son terreau par l’adoption de nouveaux instruments juridiques relatifs au terrorisme, à la discrimination, à la peine de mort, à l’apostasie par l’amendement de l’article 306 qui abroge la prise en compte de repenti et le non inscription du régime déclaratif dans la nouvelle loi sur les associations encore non adoptée, qui consacre le non harmonisation avec les textes internationaux dont l’Etat est partie et ouvre l’inspiration de ces lois à des interprétations de la religion restrictives des libertés fondamentales.

Après analyse de cette situation, nous recommandons au comité contre la torture de :

Saisir la Mauritanie d’abroger la loi d’amnistie 93-23 du 14 juin 1993 et d’instaurer les mécanismes de la justice transitionnelle pour un règlement conforme aux normes internationales standards ;

 

Adopter la loi sur les associations en reconnaissant le régime déclaratif, offrir aux ONGs des droits humains le droit de se constituer partie civile pour la défense des victimes des violations et renforcer l’ancrage des libertés d’associations , de réunions et d’expression ;

 

Adopter un cadre juridique pour offrir  aux organisations de la société les instruments légaux   dans les investigations des allégations de torture et aider à la création d’un cadre  pour l’élaboration des rapports alternatifs et le suivi des observations finales formulées à l’adresse de l’Etat partie ;

 

Réviser la nouvelle loi sur l’apostasie qui remet en cause le moratoire sur la peine de mort, pour la rendre conforme aux droits fondamentaux des droits humains ;

 

Je vous remercie
KANE Mamadou El Housseïn président de Covire 

mer, 25/07/2018 - 15:23

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