Le Sénégal a connu vendredi l'une de ses journées politiques les plus tendues, lorsqu'une coalition de partis d'opposition a insisté d’organiser une manifestation de protestation à la suite de la non validation de sa liste pour les élections législatives pour la capitale, Dakar, prévues à la fin du mois prochain.
Même si la situation dans la capitale sénégalaise semble globalement normale, le bilan des affrontements d'hier et l’assignation à résidence et l’arrestation d'un certain nombre de leaders de l'opposition, conjuguées à la persistance de l'origine du problème portant sur la non adoption de la liste susmentionnée, conduit à s'interroger sur les perspectives de la crise dans le pays le plus stable d'Afrique de l'Ouest, dans un environnement où les impasses multidimensionnelles ont provoqué une situation de trouble, dont le Sénégal et la Mauritanie représentent quasiment les ultimes exceptions.
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Les racines…
Ce n'est pas la première vague de tension entre l'opposition sénégalaise dirigée par Ousmane Sonko et le pouvoir du président Macky Sall, et il est fort probable qu’elle ne soit pas la dernière, à l'horizon d’échéances législatives ouvrant la voie à une consultation présidentielle charnière.
Le déclenchement des protestations actuelles est survenu, à la suite, de ce qu’on qualifie, d’erreur fatale commise par la coalition de l'opposition, lorsque sa liste désignée pour la capitale et qui comprend certains de ses leaders,n'a pas respecté, le principe de parité entre hommes et femmes imposé par le texte de loi, ce qui entraina son rejet par décision dont le Conseil constitutionnel a confirmé la légalité, alors que le président Macky Sall a déclaré qu'il n'y aura pas d'alternative au respect de la loi, refusant tout compromis sur la tenue des élections dans les délais.
Les propos de Macky Sall ont fait l’objet de vives critiques de la part de Sonko, dans lesquelles il a renouvelé ses accusations répétées contre l'actuel président d'avoir l'intention de se présenter pour un troisième mandat, ce qui a pratiquement fait passer le pays d’une situation politique de concurrence pour les élections législatives en une campagne présidentielle entre deux leaders rivaux qui ont en dénominateur commun beaucoup de détermination, de confiance en soi et de capacités de persuasion.
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Antécédant…
Les observateurs des affaires politiques sénégalaises sont conscients du fait, qu’en dépit, de l’alternance politique qui caractérise l'expérience sénégalaise par rapport à de nombreux autres Etats africains, la relation entre les deux camps de l'opposition et du système politique loyaliste a été cependant émaillée de tensions régulières, depuis l’ère d'Abdou Diouf, quand Abdoulaye Wade était le chef de l'opposition, jjusqu’à la période « Wadiste », qui a vu de nombreux accrochages entre le pouvoir et ses opposants, sur fond d’accusation des dirigeants de chercher à léguer le pouvoir à son fils Karim Wade.
Quant à l'époque de l'actuel président Macky Sall, ses adversaires disent qu'il est le plus répressif contre ses opposants, bien qu'il a toujours trouvé des prétextes légaux grâce auxquels, il parvient à les tenir à l'écart (comme ce fut le cas avec Karim Wade et Khalifa Sall dans des dossiers de corruption, et comme cela s'est produit il y a plus d'un an dans le dossier d'une tentative de viol visant Sonko).
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Effets contextuels
Un certain nombre d'observateurs craint que les développements dans la région et dans le monde n'aient des impacts directs sur ce qui se passe au Sénégal, de telle sorte, que les Sénégalais réputés par leurs grandes capacités à gérer sereinement leurs différends, n’y parviennent pas cette fois. Ce qui, s’il advienne, conduira le pays vers une impasse l’entrainant dans cette situation dans laquelle se trouve la plupart des Etats voisins, dès lors où ce sont des crises politiques similaires qui avaient été à l’origine de la dégradation de leur situation, au point de devenir le foyer de coups d’Etats, des divisions et à de propagation de la violence et de l'extrémisme, plaçant aujourd’hui ces pays dans la liste des Etats défaillants ou menacés de l’être.
Ce scénario effrayant se trouve renforcé par certains facteurs dont :
- La recrudescence du discours hostile à la France, fortement défendu par le chef de l'opposition sénégalaise (hier dans une émission sur les réseaux sociaux, mettant en garde la France contre toute ingérence, lui recommandant de s’éloigner des affaires sénégalaises),
- L’existence de régimes dans des pays clés de la région en contradiction avec le pouvoir sénégalais, puisque Macky Sall dirige actuellement l'Union africaine ; cette organisation qui adopte une position stricte contre les coups d'État et parce que le Sénégal est un membre clé de la CEDEAO, cet ensemble sous-régional engagé dans un blocus contre la junte militaire au Mali et à des degrés moindres, dans des procédures punitives contre les Conseils militaires de Guinée Conakry et du Burkina Faso.
En Revanche et par rapport aux réserves de Bamako, Conakry et Ouagadougou sur le régime de Macky Sall, le chef de l'opposition Osman Sonko est perçu à Nouakchott et à Banjul, avec une certaine appréhension en raison de certains propos tenus antérieurement, dans lesquels il manifeste des impressions négatives envers les gouvernements des deux pays.
Il demeure toutefois, que le comportement attendu dans les prochaines heures des deux camps du conflit politique au Sénégal (Macky et Sonko), déterminera l'avenir d'une crise, laquelle, en s’aggravant, aura des répercussions régionales négatives qui pourraient plonger toute la région ouest-africaine dans une impasse globale dont les effets les moins aigus, seront ses impacts sur les marchés mondiaux de l'énergie, dès lors où les regards sont rivés depuis quelque temps sur le gaz mauritano-sénégalais pour sauver les marchés des répercussions de la guerre russo-ukrainienne