Les autorités turques ont une nouvelle fois accusé ce mardi 9 octobre l'Arabie saoudite d'avoir assassiné le journaliste Jamal Khashoggi, apportant des détails sordides sur les circonstances de sa mort.
La disparition de Jamal Khashoggi vire au film d'horreur. Une semaine jour pour jour après que le journaliste s'est évanoui dans la nature, la Turquie accuse une nouvelle fois les autorités de son pays d'origine, l'Arabie saoudite, d'avoir fomenté son assassinat. Ce mardi 9 octobre, sous la condition de l'anonymat le plus complet, des officiels turcs ont fait filtrer dans la presse internationale force détails sordides sur les circonstances de la mort du journaliste.
Aux alentours de 13h30, mardi 2 octobre, Jamal Khashoggi s'est rendu au consulat de Riyad à Istanbul pour faire des démarches administratives. Mais ce qui, à l'origine, ne devait être qu'une simple formalité accomplie pour son mariage à venir, aurait signé son arrêt de mort. Selon les autorités turques, le dissident saoudien aurait été tué dans les deux heures suivant son entrée dans le bâtiment. Des agents saoudiens auraient ensuite démembré son corps avec une scie à os. "C'est un scénario tout droit sorti de Pulp Fiction", confie un officiel turc au New York Times.
Une disparition ordonnée au plus haut niveau du royaume saoudien selon la Turquie
Selon ce dernier, l'assassinat de Khashoggi aurait été organisé à un très haut niveau du royaume saoudien, car seuls les plus importants dirigeants saoudiens auraient pu ordonner une opération d'une telle envergure. Quinze agents de Riyad seraient ainsi arrivés sur deux vols charters différents ce mardi 2 octobre, jour de la disparition de Jamal Khashoggi. La Turquie assure avoir à présent identifié plusieurs personnes de ce commando, composé de membres des services de renseignement et de sécurité du gouvernement saoudien. L'un d'entre eux serait un expert en autopsie, probablement présent pour assister à la découpe du corps. Leur besogne accomplie, ils seraient repartis en Arabie saoudite quelques heures plus tard, les uns dans un avion vers Dubaï, les autres vers l'Égypte.
Les autorités saoudiennes, le prince héritier de la couronne Mohammed ben Salmane y compris, nient l'ensemble des accusations turques. Ils sont formels : selon leur version, Jamal Khashoggi aurait tranquillement quitté le consulat peu après son arrivée. En dépit des demandes de la Turquie et de son dirigeant, Recep Tayyip Erdogan, l'Arabie saoudite n'a cependant fourni aucune preuve pour sa défense. Les caméras de vidéosurveillance à l'extérieur du consulat montrent ainsi bien l'entrée du journaliste dans le bâtiment... mais jamais sa sortie. En moins de deux heures, Jamal Khashoggi, poil à gratter du régime saoudien, aurait donc soudain acquis la faculté d'échapper aux caméras de vidéosurveillance.
Jeu trouble des autorités turques
Les déclarations de l'Arabie saoudite ne sont pas le seul élément troublant de l'affaire. De leur côté, les autorités turques n'ont pas n'ont fourni plus de preuves étayant leurs accusations. Les conclusions présentées ce mardi par les officiels d'Istanbul risquent donc de tendre durablement les relations entre les deux pays. "A présent, il va être beaucoup plus difficile pour les deux gouvernements de garder la face en imputant la disparition de M. Khashoggi à une partie tierce, à un mauvais comportement des forces de sécurité saoudiennes ou à un accident survenu lors d’un interrogatoire qui aurait mal tourné", analyse le New York Times.
Depuis le début de l'affaire, les autorités du pays ne s'expriment dans les médias que sous condition d'anonymat. Autre élément dérangeant : en dépit de l'hypothèse d'un assassinat violent émis par des officiels turcs dans des journaux internationaux, certains médias turcs proches du gouvernement en place ont assuré que la police était toujours en train d'explorer la piste du simple enlèvement. Plus d'une semaine après la disparition du journaliste, la possibilité qu'il soit encore en vie s'amenuise toutefois de jour en jour.
Par Alexandra Saviana
marianne.net