Quelques semaines après la suspension des concertations nationales ou le dialogue, comme l’appellent certaines parties, le ministère de l'Intérieur a invité les partis politiques autorisés, à se concerter sur la préparation participative des élections législatives, régionales et municipales prévues au second semestre de l'année prochaine.
L’invitation à laquelle 22 sur 25 partis ont répondu présents et boycotté par 3 des partis de l’opposition traditionnelle, a bénéficié d’un grand intérêt de la part de l'opinion publique ; raison pour laquelle le "Zoom" s’est focalisé sur le contexte dans lequel cette réunion est intervenue, son agenda et ses perspectives, afin de chercher une réponse à la question de savoir si le ministère de l'Intérieur parviendra à ressusciter le dialogue de sa torpeur. .?!
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La pression de l'agenda
L'actuel ministre de l'Intérieur et ancien directeur de cabinet du Président M. Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine a motivé aux participants à la rencontre du 12 juillet, la tenue de cette réunion et de son contexte, par la pression de l’agenda électoral, qui oblige désormais, dira-t-il, les parties concernées à entrer sans délai dans la discussion de ses aspects détaillés (organe de supervision ; technique ou politique, recensement, état civil, dates des scrutins et conditions climatiques, moyens de participation des mauritaniens à l'étranger..)
Toutes les interventions des participants ont loué le processus de partenariat, alors que les participants du spectre opposé ont insisté sur la nécessité de renouer un dialogue inclusif d’une part et d'œuvrer pour la participation de tous à dessiner les traits de la préparation des prochaines élections, d’autre part.
L'une des données importantes discutées lors de la réunion a peut-être porté sur la Commission électorale nationale indépendante (CENI), qui ne comprend pas de représentants de l'opposition et dont le mandat expire par ailleurs en avril prochain (à quelques mois seulement de la fin des délais légaux pour le renouvellement de l'Assemblée nationale et des conseils régionaux et municipaux).
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Aucune voix n'est plus forte que celle des élections
C’est ainsi que le ministre a fixé le domaine de discussion, son contexte, voire son cadre temporel. En effet, quelle que soit l'urgence de certains dossiers pour certains, l'actuel agenda électoral rend le ministère de l'Intérieur et les partis politiques soucieux de donner désormais la priorité à la question électorale, puisqu’aucune voix n'est plus forte que celle de ces échéances.
C’est d’autant vrai que de nombreuses expériences ont prouvé, que sans une préparation précoce - même relative -, il est difficile d’arriver à des conclusions satisfaisantes de l’opération électorale et des institutions qui en découle.
Le processus qui vient d’être lancé ne sera pas facile, dès lors où les participants devront s'entendre sur des questions fondamentales :
- continueront-ils dans une CENI au sein de laquelle, les différents partis politiques sont représentés afin de rassurer tout le monde et de renforcer les chances d'acceptation des résultats électoraux, ou va-t-on revenir au modèle de la CENI formée de personnalités techniques et sans appartenance politique, à la quête de l’opportunité d’une plus grande neutralité...?
- Le niveau de proportionnalité : l'approche actuelle sera-t-elle circonscrite dans des cercles limités et à deux listes nationales (générale et femmes), ou sera-t-elle élargie, en renforcement de opportunités de représentation des forces partisanes et sociétales les plus faibles ?
- L’observation extérieure des élections sera-t-elle autorisée, afin de donner plus de crédibilité à leurs résultats, ou la porte sera fermée devant elle, de peur que sa présence ne constitue un renforcement des processus de polarisation ?
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Alternative ou un plus…?
Quelle que soit la réponse aux interrogations précédentes et aux autres non évoquées, la méthodologie spécifique convenue de commun accord par les participants pour les discuter et en tirer les enseignements qui s’imposent, la question la plus importante demeure - du point de vue politique général, est-ce que la concertation engagée par le ministère de l'Intérieur se substituera aux discussions suspendues ou sera-t-elle un complément à ces pourparlers ..?
Malgré la similitude formelle entre les deux méthodologies de supervision des deux concertations (chacune d'elles a été encadrée par un responsable gouvernemental soutenu par de staffs techniques, avec la participation d’un large spectre politique, en grande partie composé d’une Majorité en plus d’une représentation appréciable de l’opposition, avec une absence notoire de partis influents).
Malgré cette similitude, il existe des différences nettement visibles :
- Dans l’actuelle concertation, il y a un seul sujet avec des détails contrôlés – dans sa globalité par un arsenal juridique, tandis que les discussions précédentes, se caractérisent par des sujets multiples dont certains n’avaient pas été abordés auparavant.
- La concertation précédente est juridiquement dépourvue de dates et de délais contraignants, alors que l’actuelle négociation, est marquée par des dates précises avec des lois qui ne peuvent être dépassées.
- Les pourparlers antérieurs excluent la participation des partis non autorisés, ce qui a rendu la représentation politique et sociétale plus large, tandis que les discussions actuelles sont circonscrites aux partis reconnus, soit une restriction qui place par la force de la loi, d’appréciables forces politiques et sociétales en dehors du « cadre de concertation »!
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En somme:
1- La concertation de l’"Intérieur" peut représenter, s’il elle réussit, une alternative au moins pour le pouvoir à la concertation « nationale », puisqu’elle peut être moins coûteuse. Les moyens de « gestion de ses résultats » peuvent être plus faciles, mais sa rente stratégique pour le pays peut être moindre, puisqu’elle maintiendra suspendues des questions qui préoccupent de nombreuses forces nationales, avec tous les risques et défis que cela peut impliquer.
- L'absence de parties influentes de la nouvelle concertation (à la fois celles qui se sont absentées faute de récépissé ou par conviction que le processus engagé est voué à l’échec) représente l’un des plus gands défis qui peuvent transformer la "concertation" d'un portail de préparation participative, comme l’a appelé le ministère en un pont pour revenir à la tension politique après trois ans de calme, considéré comme étant l'une des caractéristiques les plus importantes de l’étape.
Centre Essahraa