La Mauritanie avait annoncé le 6 juin 2017, en pleine crise diplomatique entre les pays du Golfe, avec comme principales parties prenantes, l'Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis d'un côté et le Qatar de l'autre, la rupture de ses relations diplomatiques avec le Qatar.
Aujourd'hui, le 4 février 2023, le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh Ghazouani arrive dans la capitale qatarie, Doha, en tant que participant à un sommet organisé par les Nations unies sur les Pays les Moins Avancés (PMA), en matière de développement.
Entre les deux dates (celles de la rupture et de la visite présidentielle), se trouve une troisième, à savoir le 21 mars 2021, jour où Nouakchott et Doha ont repris leurs relations après des années de brouille. Cette reprise est restée cependant limitée, suscitant des interrogations auxquelles Zoom Essahraa de cette semaine tentera de répondre, en cherchant à savoir si la visite présidentielle d'aujourd'hui sera un tournant dans le cours des liens entre les deux Etats, et par conséquent dans la position de la Mauritanie pour polariser les « frères ennemis » dans le Golfe, ou si au contraire, la position mauritanienne demeurera inchangée..??
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Contexte de la rupture
La rupture des relations entre la Mauritanie et le Qatar est intervenue dans un contexte dont les traits les plus importants peuvent être rappelés comme suit :
☑️ L'existence d'une administration américaine de droite qui adopte une ligne très radicale dans le traitement d’un certain nombre de dossiers, dont le dossier palestinien, puisqu’elle défendait le projet de l'accord du siècle et mobilisait le soutien pour y impliquer les pays islamiques les plus en vue.
- L'existence d'un conflit intense entre deux axes, dont l'un soutenait (Qatar et Turquie) ce qu'on appelait les révolutions du printemps, et l’autre conduit par (Arabie Saoudite et Egypte) des révolutions opposées aux gouvernements issus du printemps et menés par les mouvements politiques islamiques.
- Les relations entre le régime au pouvoir en Mauritanie à cette époque (celui de Ould Abdel Aziz) et les Frères mauritaniens ont atteint un état de tension sans précédent.
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La poursuite attentive
Avec l'arrivée de l'actuel président, Mohamed Ould Cheikh Ghazouani au pouvoir à l'automne 2019, il s’est confirmé comme c’était connu dans les milieux intéressés, que les relations de la Mauritanie avec Abu Dhabi et Riyad n'étaient pas une relation avec l'ancien président, mais plutôt une relation forte également avec le nouveau président. Ce qui s’est d’ailleurs traduit par plusieurs démarches diplomatiques et économiques régulières :
☑️ Le président a choisi les deux pays alliés pour sa première visite après son élection.
☑️ L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont tenu à traduire leur soutien à la Mauritanie et à son nouveau pouvoir par de nombreux projets économiques et de développement, considérés, selon des critères économiques, comme un appui préférentiel.
☑️ Les deux parties, la Mauritanie, l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis, ont tenu à célébrer leur alliance à de nombreuses circonstances ainsi qu’à échanger l’appui et l’assistance chaque fois que l'occasion se présente.
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Le retour simultané
Nouakchott et Doha ont repris, après le changement de certaines des données qui étaient à l’origine des dissensions dans le Golfe, notamment après la défaite de Trump et la tendance de la région vers l’apaisement ainsi qu’après avoir dépassé la problématique d’une part et d’autre part le retour des relations entre les parties du Golfe, même au plafond minimum – leurs relations ;
- ☑️ Les deux Etats se sont échangés les chargés d'affaires, sans que leurs relations reviennent à leur niveau d’antan, alors que des sources d’Essahraa évoquent une forte apathie dans ces liens et l'absence d'enthousiasme chez Nouakchott pour aller de l’avant sur la voie de la normalisation des relations avec Doha.
☑️ Ainsi, après la reprise, la relation est entrée dans une période de stagnation chronique, pendant laquelle, les liens de l'axe Nouakchott-Riyad-Abu Dhabi n'ont cessé de se renforcer.
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Quelle indication...?
Aujourd'hui, alors que le président Ghazouani est à Doha pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, la question est de savoir quelle indication tirée de cette visite ?
La réponse à cette question impose cette fois un retour au contexte actuel :
☑️ Elle intervient moins de deux semaines après la visite du ministre russe des Affaires étrangères Lavrov à Nouakchott d’une part et avant celles effectuées par d’illustres diplomates internationaux, ayant fait l’objet dans un précèdent Zoom d’un épisode sur leurs indications, d’autre part.
☑️ la présente visite intervient également avec l’entrée du pays dans des saisons politiques successives, dont l’organisation nécessiterait peut-être aux yeux des cercles de décision davantage d’apaisement avec les différents acteurs, y compris régionaux et internationaux.
☑️ Elle intervient aussi après la quasi-disparition des facteurs de tension – d’apparence au moins - entre les pays du Golfe, notamment après l'organisation de la Coupe du monde à Doha, la normalisation des relations entre le Qatar et l'Égypte d’une part et entre la Turquie, les Emirats et l'Arabie Saoudite, d’autre part.
Avec toutes ces données, le plus probable, selon notre appréciation est que :
☑️ la visite n’indique pas un changement fondamental dans l'alliance de la Mauritanie avec ses principaux partenaires du Golfe ; chose confirmée par deux faits :
✔️ La visite se déroule dans le cadre d'une conférence internationale organisée par les Nations Unies. Selon ce prisme, elle signifie une participation à une conférence internationale à caractère mondial qui doit conduire vers l’adoption de politiques et de programmes ciblant les pays concernés et leurs plans de développement à l'horizon 2031.
✔️ le président Ghazouani a fait en sorte, à l'issue de sa participation au sommet de Doha, de passer par Abu Dhabi pour délivrer un message, ne pouvant faite l’objet d’interprétation, dont la signification serait que visiter le Qatar n'est pas un changement d'axe, mais au contraire, une démarche qui s’harmonise avec la nouvelle situation de la région qui semble se diriger vers de nouvelles alliances suivant de nouvelles priorités autres que celles sur lesquelles reposait l'alignement de 2017.