Alors que les regards lorgnent du côté de l’ouverture et de ses résultats, à l’identification des participants et à leur répartition sur les ateliers, l’opinion se trouva brusquement prise au dépourvu, avec l’annonce de la suspension pour une durée indéterminée des concertations.
La scène politique plongea alors dans l'un de ses moments les plus agités depuis les élections, organisées il y a des années et ayant porté au pouvoir l'actuel président Mohamed Ould Cheikh Ghazouani.
Qu’est ce qui a entrainé la scène à l’instant de suspension ? S’agit-il d’une quelconque évolution inattendue dans les calculs sur lesquels le processus avait été bâti et qui avait mis plus de deux ans à mûrir, ou s’agit-il de l’imminence des saisons de la compétition, qui a conduit les protagonistes politiques à penser plus à leurs positionnements futurs qu’actuels et aux exigences de mener à bien un processus de concertation où il est supposé que le plus difficile à savoir un accord a été trouvé (sa tenue, sa supervision, son agenda dont ses thèmes et sous-thèmes, les listes des participants. .?)
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Heures avant la suspension
Plusieurs événements ont conduit, selon un ensemble de données rassemblées par le Centre Essahraa, à la décision de suspension, qui était surprenante même pour certains cercles supposés très informés, dont principalement les facteurs suivants :
Exacerbation des différends dans les blocs politiques participant au sein des pôles de la Majorité et de l’Opposition. Des désaccords qui ont commencé à émerger dans la représentation dans les comités et qui ne se sont pas seulement limités aux thèmes et aux conclusions du dialogue,
Le boycott d’appréciables parties politiques d'une concertation, dont les participants ont convenu d’être inclusive, de n’exclure personne et où il n’y aura aucun sujet tabou (on sait que le parti de l’APP dirigé par le président Messaoud Ould Boulkheir n'a pas participé aux sessions préparatoires, comme ces dernières ont été boycottées ultérieurement par le pôle de l’Alternance dirigé par le président Biram Dah Abeid).
Craintes de certaines parties de ce qu'elles considèrent comme des risques pouvant résulter de l’ouverture de dossiers sensibles, tels que l’esclavage, le passif humanitaire et les affaires de corruption,
Le manque d’opérationnalité du parti au pouvoir dans son état actuel, pour diriger le groupe de soutien du pouvoir pendant le dialogue, en raison de la nomination du président du parti (Ould Taleb Amar) et de l'un de ses plus importants Vice-présidents (Ould Waghef) dans des fonctions qui limitent, tant sur le plan politique que pratique, leur capacité à continuer à diriger le parti.
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Comment le message est arrivé ?
Force est de constater que les parties participantes à la concertation n’ont pas accueilli le message relatif à sa suspension de la même manière :
- Les mécontents et les boycotteurs ont accueilli, selon des sources proches d'eux, la décision avec satisfaction, justifiant l’impossibilité de poursuite des pourparlers sans eux.
- Les opposants participants sont allés par contre jusqu’à qualifier la surprise de coup d'Etat parfait.
- Les partisans du gouvernement se sont manifestement réservés sur leurs positions, reflétant un mélange de désaccord interne, peut-être sur l’attitude, ou peut-être une appréciation d’une position où le fait d’expliciter de l'enthousiasme quant à la décision comme une satisfaction de leur vœu, pourrait susciter de l’embarras pour la partie parraine.
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Nuage ou goutte..?
La question la plus importante qui reste posée sur les langues des interlocuteurs de la concertation et de ceux qui la suivent au sein de l'opinion publique reste de savoir si le dialogue est mort, et s'il pourra être ressuscité ? Sommes-nous confrontés à un nuage d'été qui pourrait se dissiper à tout moment, ou s'agit-il de la goutte qui a fait déborder le vase ?
Les deux scénarios ont chacun dans les faits des arguments qui les créditent :
Quant au scénario du nuage, il est renforcé par :
- En premier, la trêve (dont la concertation est le plus important des fruits), cette particularité sur laquelle un large spectre s'accorde pour dire qu’elle a caractériséé le pouvoir du président Ghazouani. Il est donc logique que le souci de sa préservation soit grand, ce qui signifie surmonter les obstacles susceptibles de pousser à l’inverse de la trêve et au retour au pré-carré de l'escalade.
La seconde est que la réalité économique et sociale et les conditions de la région rendent tout le monde (y compris les partenaires extérieurs) soucieux de prévenir des conditions politiques qui pourraient constituer l'incubateur le plus dangereux d'une situation susceptible d’être en dehors contrôle de tous et mettre en jeu de nombreux défis économiques et calculs géostratégiques.
Quant au scénario de la goutte, il comprend :
L'approfondissement des divergences et des retranchements au sein de la scène politique, avec ses deux pôles, partisan et opposant. Ce qui a conduit la plupart des acteurs à consacrer leurs efforts aux règlement de comptes, dont les instigateurs regardent ceux qui gèrent les dossiers plus qu'ils ne s’intéressent aux dossiers eux-mêmes et à fortiori à l'intérêt national prépondérant,
Une conviction enracinée de parties influentes que les résultats du dialogue ou de la concertation ne seront pas utiles, voire capables de provoquer des disfonctionnements plus dangereux que ceux qu'ils sont censés corriger.
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Priorité :
Tout en reconnaissant la difficulté d’accorder une priorité à l’une des deux options du nuage et de la goutte, on peut dire avec une certaine métaphore que le nuage se dissipera, peut-être à la fin de l'été et au début de l'automne, et que la concertation reprendra, probablement avec des révisions en termes de supervision et d'agendas. Ce qui pourra enfanter de nouveaux mécontents et boycottistes, mais pas au point d’arrêter les pourparlers, du fait que l'alternative à la concertation inquiète tout le monde et pourrait entrainer la scène et avec elle le pays dans une situation où tous sont des perdants sans exception, non seulement de leurs positionnements partisans mais bien plus important et plus précieux à savoir la stabilité, le développement, l'unité et la démocratie.