Zoom Essahraa (59)... L'accord migratoire… Inquiétudes, ou risques… ? (Analyse)

Zoom Essahraa (59)... L'accord migratoire… Inquiétudes, ou risques… ? (Analyse)

L'opinion publique nationale est demeurée depuis un certain temps sur le qui-vive, en raison des mille et une interprétations de la question de l'accord migratoire en cours de négociation entre la Mauritanie et l'Union européenne.

Alors que certains considèrent qu'il s'agit d'une voie normale tracée par le gouvernement pour faire face aux défis nécessitant un partenariat de plusieurs Etats, au premier rang desquels les pays « de destination des immigrants », d’autres le qualifient de menace sérieuse pour la sécurité de la « patrie» et pour sa composition démographique.

Dans le Zoom Essahraa de cette semaine, nous essayerons de revenir sur les origines du problème et sur son contexte, et d'explorer ses perspectives et ses répercussions.

 

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Le début du processus

 

Le début du processus sur la question de l'immigration et les soucis concernant l'installation des clandestins, qui préoccupent actuellement l'opinion publiquen remontent au 11 octobre de l'année dernière, lors de la signature de la vice-présidente de la Commission européenne, Margaritis Schinas et du ministre de la Justice, M. Mohamed Mahmoud Ould Boya, d’un accord pour le renouvellement du partenariat entre la Mauritanie et l'Union européenne dans le domaine de l'immigration clandestine.

 

Les événements se sont ensuite accélérés et les visites se sont poursuivies, pour aboutir à une visite de haut niveau, avec le déplacement à Nouakchott du chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez et de la présidente de la Commission de l'Union européenne  Ursula von der Leyen.

Un séjour sanctionné après des entrevues avec le Président de la République Mohamed Cheikh El Ghazouani, par l'annonce d'un soutien européen de 500 millions d'euros.

La « générosité du soutien » et l'accueil dont la délégation a bénéficié ont suscité l'attention de l'opinion mondiale, ouvrant ainsi la voie à une campagne d'intérêt qui s’est scindée par la suite en deux tendances :

 

✔ La tendance qualifiant cette affaire comme une réussite et un indicateur de l'efficacité de la diplomatie mauritanienne, surtout à la lumière des troubles auxquels la région est confrontée.

 

✔ La tendance gagnée par des craintes qui se sont rapidement transformées en inquiétudes concernant les immigrants et leur réinstallation.

 

Deux faits essentiels ont accentué l’intensité des tensions :

  • Le premier a porté sur la région et ses développements, coïncidant avec une crise croissante chez le voisin du sud, dernier pays stable de la région,
  •  Le deuxième concerne le début de la course à la présidentielle et ce que cela implique en termes de vigilance des parties politiques, dont chacune cherche à marquer des points contre la partie adverse.

 

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Des positions opposées

 

Les positions des forces d’opposition au sein de toutes les formations politiques ont catégoriquement rejeté ledit accord, se disant particulièrement préoccupées par ses possibles répercussions sécuritaires et démographiques, ou encore par ce qu’une déclaration signée par l’institution de l’opposition a qualifié d’« impact sur la composition démographique ».

Dans le rang des partisans, les réponses fournies par le gouvernement et notamment le ministère de l'Intérieur et plus particulièrement, le Parti Insav, se sont tous inscrites en faux contre les rumeurs véhiculées sur les réseaux sociaux, disant qu’elles sont infondées. Ce qui n’est pas l’avis des opposants pour lesquels, il s’agit bel et bien d’un projet de vente de la Mauritanie aux européens.

Les divergences des positions sur le processus de négociations sur l'immigration illégale ont atteint leur paroxysme le mercredi 6 mars, avec l’organisation de manifestations, quelques heures avant la réunion du Conseil des ministres le jeudi 7 mars, censée être une étape essentielle sur la voie de la signature de l'accord.

L'Union européenne est entrée quant à elle en ligne, dans une sortie visant à apaiser les sentiments de psychose qui ont dominé les sites et les réseaux sociaux. En effet, la Représentante de la commission européenne a réaffirmé les allégations et déclarations officielles relatives à l’accord, tout en attirant l’attention sur le fait que c’est la Mauritanie qui est à l’origine de l’initiative et qui a sollicité l’intervention des européens, qui ne sont pas les premiers bénéficiaires de l’accord,  veut-on faire comprendre implicitement.

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Lors de la vérification

 

Selon des sources d’Essahraa, il a été constaté après examen :

☑ qu’au début 2023 et face à la pression migratoire croissante vers les Etats-Unis et l'Europe et le nombre croissant de réfugiés dans le camp de M’Béré à l’extrême Est du pays, la Mauritanie a officiellement annoncé à l'Union européenne son refus de discuter de manière séparée le dossier des réfugiés touaregs dans la moughataa de Bassiknou de clui de  l’immigration à travers l’Océan Atlantique. Nouakchott  a présenté un ensemble de revendications, dont la plus importante est la suivante : la signature d’un cadre juridique entre le gouvernement et l'Union européenne qui inclut tous les domaines de coopération et évite le traitement unilatéral des dossiers et avec chaque pays individuellement.

☑️ Après de longues discussions et échanges de documents entre experts, il est devenu clair que la forme juridique ne peut pas être un accord car les Parlements européen et mauritanien pourraient le rejeter. Raison pour laquelle, les deux parties ont décidé enfin de mettre fin au projet de formuler une déclaration commune dont la version finale sera signée aujourd'hui jeudi.

☑️Plusieurs exemplaires du projet ou des propositions de la partie européenne ont circulé dès les premières étapes de la discussion.

☑️ les secrétaires généraux de cinq ministères s’étaient rendus à Bruxelles au milieu de l'année dernière. La délégation était dirigée par le secrétaire général du ministère de l'Intérieur. Elle a passé une semaine à Bruxelles et les cinq axes de l'accord avaient été identifiés.  Chaque partie est revenue pour préparer le terrain en perspective de la signature de la déclaration commune.

  ☑️ Les missions de la partie mauritanienne étaient de régler la situation des Africains résidant sur son territoire, déterminer leurs exigences de développement etformer des comités techniques conjoints pour discuter des termes de l’accord :

☑️ L'Union européenne a envoyé en Mauritanie une délégation composée de deux députés qui ont amendé le document en circulation et critiqué le statut juridique (déclaration commune) du fait qu’il n'était pas contraignant, exigeant la rectification de ce point.

☑️ La déclaration commune comprend plusieurs points, mais le plus important d'entre eux est lié à l'immigration. Quant aux points qui ont suscité la controverse, notamment ceux liés à la réinstallation et au retour des immigrants irréguliers, la dernière version de la déclaration stipulait ce qui suit :

☑️ ⁠En ce qui concerne les formations, les projets générateurs de revenus et les formations destinées à la jeunesse mauritanienne afin de les installer en Mauritanie au lieu de continuer à aller par centaines hors du pays, les résidents possédant une carte de séjour mauritanienne peuvent bénéficier de ces projets.

☑️ Tout Mauritanien arrivé en Europe à travers l'immigration irrégulière sera renvoyé en Mauritanie, sans que la version finale ne stipulait pas du tout le retour des non-Mauritaniens, ni l'établissement de camps ou de prisons.

 

Et après;

 

Or, malgré la signature jeudi après-midi de la Déclaration de principes, censée réduire l'écart entre ceux qui se méfient de l'accord et ceux qui le soutiennent, il reste très probable :

✔️ La question de l'immigration restera à l'ordre du jour au cours des prochaines saisons politiques surtout à l’approche des élections présidentielles.

✔️ Mais l'intensité de la tension autour de ce sujet va diminuer du fait de la signature effective d'un document qui sera publié dans les prochaines heures.

lun, 11/03/2024 - 03:43

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